« Wolfpack » et « All-in: Team Jumbo-Visma »: deux séries dans les coulisses du cyclisme pro
Jumbo-Visma et Quick-Step, deux des équipes reines du peloton cycliste en 2022, s’offrent chacune leur propre série documentaire. Décryptage.
The Last Dance sur le basket, Last Chance U sur le football américain, Drive to Survive sur la Formule 1, Super League: The War for Football sur le ballon rond, Break Point sur le tennis, Full Swing sur le golf… Les séries documentaires plongeant dans les coulisses du sport pullulent sur les plateformes et n’en finissent pas de se multiplier. Entre plongée immersive dans l’intimité des plus grands et intensité proche d’un thriller, elles déchaînent les passions des millions de fanas d’effort physique par écran interposé. Et le filon n’est pas près de se tarir puisqu’on annonce notamment déjà une série sur la très controversée Coupe du Monde de foot au Qatar 2022 pour cet été et une autre sur le Tournoi des Six Nations en rugby pour l’an prochain. Tendance, l’envers du sport sur les écrans? Et comment! Si, à ce petit jeu, c’est clairement Netflix qui mène la danse, ses concurrents ne manquent pas de fourbir leurs armes. Ainsi par exemple de Prime Video, à qui l’on devait déjà les fameux All or Nothing et leurs saisons consacrées à des clubs ou des équipes nationales (de soccer, de foot américain, de rugby ou même de hockey sur glace), et qui se positionne aujourd’hui sur la petite reine. En réponse à The Least Expected Day: Inside the Movistar Team (trois saisons disponibles sur Netflix), le service de SVOD créé par Amazon balance en effet ce mois-ci non pas une mais bien deux séries documentaires levant le voile sur les coulisses du cyclisme pro: Wolfpack et All-in: Team Jumbo-Visma.
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Remco Show
Disponible dès ce vendredi 17 mars, Wolfpack, surnom bien connu de l’équipe Quick-Step, s’intéresse à la saison 2022 du groupe dirigé par l’incontournable Patrick Lefevere, pas du genre à garder sa langue en poche. Découpée en six épisodes d’une cinquantaine de minutes chacun, la série jongle entre l’exaltation, la tension et le doute, dévoilant des tranches d’intimité inédites mais aussi des petits moments futiles de décompression qui nourrissent le quotidien d’une équipe, cette vibration si particulière qui en définit l’esprit. Parfois capable de va-et-vient temporels très libres, sa structure n’en fonctionne cependant pas moins essentiellement sur un principe de linéarité, les grands rendez-vous de l’année s’enchaînant dans l’ordre. Au début de saison catastrophique de Quick-Step, rythmé par une série d’échecs cuisants sur les classiques de printemps, succèdent donc les premières explosions de joie à la charge affective hautement communicative -revue pour la 112e fois, la victoire héroïque de Remco à Liège-Bastogne-Liège fout, par exemple, toujours autant les poils, d’autant qu’elle est pimentée d’un chapelet d’émotions fortes vécues de l’intérieur.
Triomphes éclatants d’Yves Lampaert, le fils de fermier, et du miraculé Fabio Jakobsen sur la ligne du Tour de France, déboires en cascade du champion du monde sortant Julian Alaphilippe, domination rêvée d’Evenepoel sur le Tour d’Espagne… Avec ses rebondissements dignes d’un blockbuster hollywoodien ultra scénarisé, la série rend justice à la formidable puissance dramaturgique du sport, ravivant les sensations de stress et de suspense propres au direct télé tout en en approfondissant considérablement les enjeux humains. Seul véritable problème: le côté forcément très lissé, voire autopromo, de cet exercice consenti de dévoilement plus ou moins impudique, auquel il manque une vraie dimension critique -peu d’allusions au vieux spectre du dopage, notamment. Mais aussi une mise en scène de l’intime qui flirte parfois avec les travers voyeuristes d’une vulgaire téléréalité. Même si l’impressionnant travail de montage et les témoignages d’anciennes gloires (Tom Boonen, Alberto Contador, Philippe Gilbert) finissent par emporter le morceau.
Appétit cannibale
Visionnable quant à elle sur Prime depuis le 1er mars, All-in: Team Jumbo-Visma se présente sous un format (découpage là aussi en six épisodes, pour une durée totale approchant les cinq heures) et une grammaire, esthétique comme narrative, assez semblables à ceux de Wolfpack. Analogues sur la forme, les deux séries sont au fond parfaitement complémentaires puisqu’elles traitent peu ou prou des mêmes grands rendez-vous mais depuis une perspective différente. Équipe championne en matière de stratégie, même si les plans ne s’y déroulent pas toujours forcément sans accrocs, Jumbo-Visma a connu une saison 2022 incroyablement riche en événements majeurs. Entre l’essoré Tom Dumoulin, le tout-terrain Wout van Aert, Primoz Roglic le maudit et Jonas Vingegaard, le petit poissonnier devenu grand, les raisons de vibrer, pour le meilleur comme pour le pire, y ont été nombreuses, en effet. En toute logique, la série tourne essentiellement autour du merveilleux feuilleton Jumbo au Tour de France, la team y réussissant l’exploit insensé de remporter pas moins de six étapes mais surtout de ramener à Paris les trois légendaires maillots distinctifs: jaune, vert et à pois.
Cet appétit cannibale pour la victoire se décline en irrésistibles montées d’adrénaline savamment distillées tout au long d’épisodes aux allures de grands huit émotionnels. Avec une mise en contexte un peu plus fouillée et une narration plus littéraire que dans Wolfpack. Une dimension plus contemplative aussi, voire une tendance poético-esthétisante, qui l’amènent ponctuellement sur un terrain miné, presque violoneux et racoleur. Mais là encore, c’est l’indéniable efficacité de l’ensemble qui domine, confirmant l’implacable attrait de ces docus-fleuves vus de l’intérieur.
Pendant ce temps-là, Netflix en a profité pour dévoiler les premières images de sa série documentaire entièrement consacrée au Tour de France 2022. Vous reprendrez bien quelques coups de pédales?
Wolfpack et All-in: Team Jumbo-Visma, séries documentaires à voir sur Prime Video.
***1/2
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