Laurent Raphaël
Tout feu tout femme
L’édito de Laurent Raphaël
On lance les paris: dans moins d’un an, Hollywood (à moins que ce ne soit Luc Besson, qui va devoir faire tourner l’usine à gaz qu’il a installée au nord de Paris) nous servira un thriller musclé et labyrinthique racontant les mésaventures d’un grand de ce monde pris la main dans la culotte d’une soubrette à la veille de cocher la dernière case de son plan de carrière. Vice caché ou complot ourdi par une puissance étrangère? Toute ressemblance avec des personnes ayant existé ne sera pas fortuite.
Un petit détour par la rubrique faits divers de la semaine pour en venir au sujet à l’ordre du jour: la place des femmes dans la fiction. S’il y a peu de chance que dans cette adaptation le rôle féminin échappe au cliché ancestral du gibier sexuel ou de l’araignée vénéneuse, la tendance est plutôt aujourd’hui à casser le moule sexiste, esquissant même en creux une nouvelle féminité, sinon un nouveau féminisme.
Deux figures plutôt inédites, en tout cas dans les allées fréquentées de la production mainstream, pointent ainsi à l’horizon. La première est celle de la guerrière énervée. En solo ou plus souvent en meute, elle se bat comme un homme et porte des talons aiguilles non pour aguicher et satisfaire le mâle trop pressant mais bien pour les lui enfoncer bien profond dans les tripes! Sorte d’amazone des temps modernes puisant son arsenal bimbo dans les films d’exploitation seventies, son credo serait: faites la guerre, pas l’amour. On avait eu droit à un échantillon de ce modèle en vogue avec les cascadeuses de Boulevard de la mort qui allaient donner du piston à retordre au psychopathe en voiture qui les pourchassait. Mais venant de Tarantino, le père fêlé de Kill Bill (le personnage d’Uma Thurman pourrait d’ailleurs être leur madone à toutes), on ne s’étonnait pas vraiment.
Sauf que depuis, ces prédatrices se multiplient. Dans le dernier Zack Snyder par exemple, Sucker punch, elles sont cinq baby dolls en guêpières à défendre leur honneur et leur liberté dans un déluge de feu et d’effets spéciaux. Sous le matelas du film d’action SF pointe le ressort politique, sans ambiguïté: les hommes doivent payer le prix fort pour leurs exactions. Même topo dans le roman Maul de Tricia Sullivan. Ici, la guerre des gangs se décline au féminin. Les hommes, minoritaires, jouent les seconds rôles dans cette dystopie féministe, amorale et sauvage. A bien y regarder, la pochette du dernier Lady Gaga, sa tête de gorgone montée sur la fourche d’un chopper, roule dans la même direction.
Ce cocktail acide, on le retrouve aussi, mais en version intello, dans les interstices de la nouvelle chanson française. Les Brigitte, les L, les Oh la la! assument l’étiquette de petites pestes passant la vie de couple et les sentiments amoureux, entre autres pépins, à la moulinette. Les tabous tombent. Et les langues se délient. Comme chez ces filles en pétard avec l’instinct maternel. Ou prises entre deux feux, celui de leur ressenti et celui du schéma imposé.
C’est le thème douloureux qui irrigue We need to talk about Kevin de Lynne Ramsay avec Tilda Swinton en mère rongée par la culpabilité qui a fait sensation à Cannes. Les petites soeurs de Barbarella et de Siouxie d’un côté, les cousines d’Eliette Abécassis (une des premières à avoir montré l’envers de la maternité dans son roman Un heureux événement) de l’autre… Pas sûr que DSK ait eu le temps de penser à tout ça en sortant de sa douche!
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Dans le nouveau clip de Beyoncé, les femmes aussi prennent le pouvoir…
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