Certains documentaires dépassent largement ce que la fiction pourrait imaginer. C’est le cas avec cette plongée dans l’univers des écoles militaires pour enfants en Russie, sur les traces du petit Anton. Ça fait froid dans le dos…
DOCUMENTAIRE DE DE JASNA KRAJINOVIC.
Ce jeudi 2 août à 21h05 sur La Trois.
Nous sommes en Russie, pas loin de Moscou, dans une maison en tôle en bord de grand-route. Anton, 12 ans, vit là avec sa babouchka -sa mère passe parfois mais disparaît très vite. C’est un petit garçon comme les autres, qui danse la Tecktonik, qui joue à s’enterrer dans le sable avec ses copains, qui passe ses vacances scolaires comme il peut. Un gamin nourri d’histoires belliqueuses racontées par sa grand-mère, et de télévision glorifiant la défense et la grandeur de la fédération de Russie.
Un matin, son paquetage sur le dos, il part pour Kaskad. Kaskad est une école, un centre d’entraînement militaire créé en 1986 par des vétérans de la guerre en Afghanistan. Depuis l’arrivée de Vladimir Poutine au Kremlin, en 1999, les établissements de ce type se sont multipliés en Russie, tant et si bien qu’aujourd’hui, plus de 60 % des enfants russes y suivent des « stages » pendant une partie de leurs vacances scolaires.
Une prise en charge de la jeunesse qui semble s’inscrire dans un large projet de militarisation de la Russie. Produit par l’asbl Dérives des frères Dardenne, ce documentaire naturaliste propose une immersion dans l’été martial d’Anton, entre bourrage de crâne et entraînements à la dure. Sitôt arrivé, on lui rase la tête, on le fait défiler en cadence, et on lui apprend qui est l’ennemi. « En général, les terroristes appartiennent à quelle religion?« , lance ainsi le professeur. « Juste!, à l’Islam. » L’enseignant projette aux élèves une vidéo censée montrer la cruauté des combattants tchétchènes -un montage d’explosions, de chars en action et de cadavres sur une musique infernale. Un gosse ose: « Tous les musulmans ne sont pas comme ça! » Un autre se demande comment les remettre sur le droit chemin. Le prof conclut: « On ne soigne pas un chien enragé. »
Le tableau est tout à fait hallucinant, presque trop. La réalité, une fois encore, dépasse la fiction au point de passer pour irréelle. Anton, qui a vécu l’injustice, notamment d’être rejeté et molesté sur l’unique base de sa filiation, pense que Kaskad le rend courageux et fort. Il reste malgré tout un enfant qui fait le con dans le dortoir et mange des bonbons, entre deux dressages de lit au carré.
A travers ce personnage, c’est tout un pan de la culture russe que Jasna Krajinovic donne à voir. Un regard sensible sur une réalité effrayante.
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