Shirley, un hommage cinématographique à la peinture d’Edward Hopper
Le cinéaste autrichien Gustav Deutsch réalise un projet à mi-chemin entre cinéma et peinture, à partir de 13 tableaux de l’artiste américain Edward Hopper. Un bel hommage.
Espace vide, lumière pleine, figure statique et désespérément seule… Le visage de la modernité que nous livre le peintre américain Edward Hopper n’est autre que l’aliénation de l’homme confiné dans une société civilisée en pleine mouvance -celle de l’Amérique des années 30 aux années 60. Fasciné par son oeuvre, le cinéaste autrichien Gustav Deutsch réalise un projet à mi-chemin entre cinéma et peinture, à partir de 13 tableaux de l’artiste et lui rend par là un bel hommage. Shirley. Visions of Reality a été sélectionné au Festival de Berlin en 2013, dans la section Forum, sans doute la branche la plus audacieuse de la Berlinale, proposant des films sortant des sentiers battus: cinéma expérimental, films d’avant-garde, essais, films hybrides… Des histoires fragmentées constituées autour d’oeuvres picturales, un projet mixte mêlant plusieurs disciplines, l’oeuvre de Deutsch se situe certainement dans la veine du cinéma expérimental.
Chaque tableau que le cinéaste choisit constitue le point de départ d’un nouveau chapitre de la fiction, portée par Shirley, l’héroïne qui est une actrice dans le film. À travers ses combats, ses émotions et ses pensées, le spectateur traverse près de 30 ans de vie qui donnent à voir l’Amérique de l’époque. Shirley, c’est l’histoire d’une femme, et à la fois, de plusieurs femmes. À elle seule, elle incarne toutes celles qu’Edward Hopper a dépeintes dans ses oeuvres. La femme perdue dans ses pensées, rêveuse, qui lit, qui attend… et seule, très souvent. Même si parfois les personnages hoppériens sont ensemble, ils ne communiquent pas, comme retranchés dans leur propre monde. Maître du hors-champ, le peintre américain force le spectateur, par son cadrage atypique, à imaginer une scène qui n’est pas donnée à voir totalement, préférant la reléguer aux zones de frontière du tableau. L’action selon Hopper est celle constituée par l’absence et le vide, et n’est dès lors pas nécessairement là où on l’attendrait.
Le son comme image absente
D’une ambiance singulière propre aux peintures de Hopper, comment Gustav Deutsch parvient-il à la rendre au cinéma? Ce dernier a accordé un entretien à Film de culte et explique sa démarche: « Souvent dans les tableaux de Hopper, les protagonistes observent ou sont témoins de quelque chose qu’ils ne partagent pas avec nous, quelque chose qui est absent du tableau. La plupart des femmes qu’il a peintes regardent par la fenêtre, fixent quelque chose, réagissent à un élément inconnu. Je pouvais bien sûr tout inventer, et je pouvais amener cet élément par les sons et par le monologue intérieur de Shirley. […] Les voix des passants, le bruit des voitures, le cri des mouettes, un chien qui aboie, une chanson qui passe à la radio, le bruit du métro aérien qui traverse Manhattan, le rire d’un enfant… les sons créent des images que nous ne pouvons pas voir. »
Quelque chose de cinématographique fait indéniablement partie du travail d’Edward Hopper et son oeuvre picturale est quelque part tout aussi hybride que Shirley. Du cadrage hors-champ, véritable source pour le cinéma, notamment celui de Wim Wenders (Paris Texas, La fin de la violence), aux côtés fantastique (métaphorique selon Deutsch) et brutal de ces couleurs pleines sans nuance, sa peinture se rapproche même par moments de l’univers lynchéen, dans Inland Empire, par exemple.
Shirley. Visions of Reality de Gustav Deutsch sortira en salle le 17 septembre 2014 en France. Pas encore de date confirmée pour la Belgique.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici