Critique

Rain World ne prend pas le joueur pour un idiot

© PG
Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Jeu de plateforme et de survie d’une violence sourde, Rain World réveille les instincts de survie enfouis sous les doigts du gamer.

Doucement, la terre frémit. Les pixels s’électrisent et des éclairs grondent au loin. Une goutte. Une autre. Puis une trombe d’eau. Enfin, un déluge submerge des souterrains industriels abandonnés et piège le gamer. Homérique, la scène d’ouverture de Rain World réveille des réflexes instinctifs et primaires. Trouver un abri au sec et sauver de la noyade l’inidentifiable créature blanche du jeu se présentent comme des actes infiniment rassurants. Un sauvetage in extremis parmi des centaines d’autres pour ce survival platformer vu de profil. Bienvenue dans un jardin vraiment extraordinaire.

Jouer le risque ou la sécurité? Fouiller les secrets des décombres d’un nouveau tableau ou retourner fissa dans son nid pour éviter l’implacable game over et hiberner? Tout au long de son périple, Rain World et sa créature aux contours flous ne cessent de questionner les choix du joueur. L’architecture -très Metroid dans l’âme- du titre post-apocalyptique étend une multitude de pièces traversées et reliées entre elles par des raccourcis sous forme de tuyaux en trompe-l’oeil. Pour avancer dans ce labyrinthe, les safe rooms cachées s’imposent comme autant d’étapes indispensables. Mais éviter les monstres et rentrer avant la prochaine drache ne suffisent pas à les atteindre.

Jamais vue dans un jeu vidéo, l’idée d’hibernation est ainsi poussée à son paroxysme sur cette production de Joar Jakobsson. Chaque nuit passée dans un abri ajoute un niveau de karma -une sorte de vie- sur un compteur indéchiffrable. Retors, le game designer suédois installé à Boston conditionne l’ouverture de certaines portes à la possession d’un nombre de « vies » bien précis. Vous en voulez encore? Avant chaque sommeil, il est vital de chasser des chauves-souris et trouver des fruits pour faire des réserves et remplir sa barre de santé.

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Miam Monster Miam

Manger ou être mangé. Rain World place intelligemment le joueur au milieu de la chaîne alimentaire. Le stress est permanent. L’ombre de Pac-Man et de ses retournements de situation impromptus plane sur des phases de voltige acrobates. La prise en main volontairement complexe de la délicate chimère oscillant entre furet, chat et limace ne facilite en outre pas cette course à la nourriture. Omniprésents et doués d’une intelligence vicieuse, crocodiles, lézards venimeux et autres lianes affamées élèvent une difficulté où la moindre morsure est synonyme de game over.

S’adapter à son environnement en l’observant, sans aide extérieure, brille d’ailleurs comme un des plaisirs de Rain World. Le titre qui comme Dark Souls ne prend pas le joueur pour un idiot se rapproche en outre d’Another World et de Flashback. Son pixel art microscopique à l’élégance rare se tapisse ainsi d’animations -notamment celle du furet- furieusement détaillées. Des tableaux drapés d’une bande-son minimaliste claudiquant entre rythmes tribaux et synthé fascinant. Pas suffisant malheureusement pour combler les lacunes d’un pitch entre séparation familiale et post-apo qui ne pousse pas forcément à persévérer.

Édité par Adult Swim Games et développé par Videocult, âge: 7+, disponible sur PC (version chroniquée) et PlayStation 4. ***(*)

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