Carte blanche
Mons 2015: la situation « absurde et révoltante » et la gestion « aveugle » fustigées dans une lettre ouverte
Alors qu’on apprenait le licenciement de 20 travailleurs du Manège au lendemain de Mons 2015, 400.000 euros d’indemnités étaient versés à son administrateur général, soit plus que la somme globale réservée à l’enveloppe artistique. Sept directeurs de théâtre dénoncent la situation « absurde et révoltante » dans une lettre ouverte que nous retranscrivons ici in extenso.
MONS 2016: QUEL AVENIR POUR LA CRÉATION?
La CONPEAS a pris connaissance du licenciement récent de 20 travailleurs du manège.mons ainsi que des arguments avancés par la nouvelle direction générale pour expliquer cette restructuration.
Philippe Degeneffe, qui a été choisi pour succéder à Yves Vasseur au poste de directeur général, a déclaré (RTBF Info, Manu Delporte, 18 janvier 2016): « si on ne fait rien, il nous reste 4% du budget pour faire de la culture, ce qui est notre vocation première ».
Lors du Conseil Communal de la ville de Mons de ce mardi 19 janvier, Elio Di Rupo aurait confirmé (RTBF Info, Vincent Clairin, Fabrice Gérard, 20 janvier 2016) que « seuls 5% de plus de 6.000.000 pourraient être consacrées en 2016 à la création artistique et à la diffusion ». Parallèlement, on apprenait au cours de ce même conseil communal par la voix de Georges-Louis Bouchez (MR), qui a en charge le budget et les finances au collège communal, que Mauro Del Borrello, administrateur général du Manège comptant parmi les travailleurs licenciés (et par ailleurs conseiller communal socialiste), aurait quant à lui négocié ses indemnités de sortie à hauteur de 400.000 euros (coût employeur).
On peut en conclure que le coût des indemnités de sortie de ce seul travailleur serait supérieur à la somme globale réservée à l’enveloppe artistique (et donc notamment à l’ensemble des emplois artistiques) du Manège en 2016.
Philippe Degeneffe assure que ces 20 licenciements devraient permettre de consacrer 10% à l’artistique. Mais 10% cela reste incroyablement faible pour une dotation de cette importance.
À l’heure où la ministre de la Culture appelle l’ensemble du secteur culturel à remettre l’artiste au centre et s’apprête à exiger d’institutions subventionnées largement moins dotées que le Manège des efforts considérables, serait-il acceptable que la mégastructure montoise se contente (pour quelle raison?) d’une enveloppe de 600.000 euros pour remplir les importantes missions de production et de diffusion qui lui incombent? Faut-il rappeler que le Manège compte parmi les quatre centres dramatiques de la Fédération Wallonie-Bruxelles (aux côtés du Théâtre de Liège, du Théâtre de Namur et du Théâtre Varia à Bruxelles) et abrite en son sein Musiques nouvelles, le plus important centre de musique contemporaine de la fédération, ainsi que le Centre des écritures contemporaines et numériques?
Un des arguments qui a présidé à la création du manège.mons en 2002, était que le rassemblement du Centre dramatique hainuyer, du Centre culturel de Mons et de l’Ensemble Musiques nouvelles sous une coupole commune, permettrait de réaliser des économies d’échelles et entraînerait un renforcement des enveloppes artistiques. En 2011, alors qu’en commission parlementaire du Parlement de la Communauté française on débattait du bien-fondé des subventions importantes accordées au manège.mons comparativement à d’autres opérateurs, Yves Vasseur déclarait dans la presse (Le manège.mons est-il favorisé? Pascal Lorent, Le Soir, 24 février 2011) que l’ensemble des activités du Manège, et en particulier ses missions de création (théâtre, musique contemporaine, arts numériques), justifiait ces dotations. Et il ajoutait: « en regroupant ces activités, on parvient à réaliser des économies d’échelle ».
Ces déclarations rassurantes n’ont pas empêché le manège.mons de progressivement renforcer son équipe permanente (direction, administration, personnel technique) au détriment des enveloppes artistiques, jusqu’à atteindre la situation absurde et révoltante d’aujourd’hui. Celle qui voit un outil étincelant désormais dans l’incapacité de réaliser l’objet social qu’impliquent les aides publiques considérables qu’il reçoit.
La CONPEAS s’étonne vivement qu’aucun garde-fou ne soit venu enrayer une machine de toute évidence devenue folle. L’euphorie liée à Mons 2015 Capitale Culturelle a-t-elle à ce point aveuglé les différents responsables et instances, à commencer par le Conseil d’administration du Manège, qui auraient pu, qui auraient dû exiger de la direction qu’elle inverse la vapeur?
Aujourd’hui, du fait de cet aveuglement, vingt travailleurs se retrouvent sur le carreau. Mais ce n’est pas tout.
Le Manège annonce aussi qu’il pourrait suspendre sa programmation durant les six premiers mois de la saison 16-17. C’est donc toute une dynamique de développement artistique, sur le plan local, régional, national et international, qui se voit ainsi réduite à néant. Et l’ensemble d’un secteur – déjà bien fragilisé – qui se retrouve privé des emplois qui devraient légitimement lui revenir.
Face à une situation à ce point inadmissible, la CONPEAS appelle solennellement tous ceux qui en ont la responsabilité, à commencer par la ministre de la Culture de la Fédération Wallonie-Bruxelles – principal pouvoir subsidiant de l’institution montoise – à prendre les décisions qui seront en mesure de contraindre le manège.mons à rencontrer enfin et de façon significative – en particulier sur le plan de l’emploi artistique – les missions de création et de diffusion qu’on est en droit d’attendre de lui.
Pour la CONPEAS, son conseil d’administration:
Michael Delaunoy (Rideau de Bruxelles)
Monica Gomes (Théâtre de la Balsamine)
Isabelle Jonniaux (Atelier 210)
Caroline de Poorter (Les Brigittines)
Philippe Sireuil (La Servante)
Sylvie Somen (Théâtre Varia)
Jean-Michel Van Den Eeyden (Théâtre de l’Ancre)
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