Jean-François Pluijgers
Magritte du cinéma: opération séduction
Mr Nobody est sorti grand vainqueur d’une cérémonie des Magritte célébrant un cinéma belge francophone cherchant public, désespérément…
Par Jean-François PLUIJGERS
Dénué de distinctions nationales dans un paysage cinématographique qui en est pourtant saturé, de Donatello en Goya, de Sur en Lola, de Jutras en Ariel et, bien sûr, de César en Oscars, le cinéma belge tenait, pour ainsi dire, de l’exception culturelle. Un constat qui, ajouté à un déficit chronique de notoriété intra muros, a incité la Communauté française et divers professionnels du secteur, réunis au sein de l’Académie Delvaux, à lancer les prix Magritte, suivant l’adage voulant que nul n’est mieux servi que par soi-même. Et tant pis si, reflet du galimatias ambiant, d’autres récompenses sont décernées au nord du pays: après tout, c’est cela aussi, la singularité belge…
Les pieds dans le tapis
On avait donc mis les petits plats dans les grands, l’autre soir, au Square (anciennement Palais des Congrès), pour accueillir le monde du cinéma francophone et au-delà, en un happening glamour autant que princier, quoique sans excès de falbalas. L’autocélébration, oui, mais avec ce qu’il fallait d’improvisation pour garder à la cérémonie un naturel décontracté.
S’agissant d’une opération séduction, on peut d’ailleurs qualifier ces premiers Magritte de succès, avec pour mérite initial d’avoir manifestement réussi à fédérer la profession, stars comprises (à défaut des téléspectateurs, à peine plus de 10.000 à suivre le direct sur BeTV). De quoi venir relever quelque peu le one woman show servi pour la circonstance par Helena Noguerra, maîtresse de cérémonie dont l’on a cru, en de multiples occasions, qu’elle allait se prendre les pieds dans le tapis (merci Olivier Gourmet d’avoir rattrapé le coup d’un final proprement escamoté), sans pour autant qu’elle y perde son aplomb.
Bonne joueuse, en somme, à défaut d’être toujours raccord, en une disposition qui fut aussi celle qui présida à la soirée, classique dans son modus operandi, mais décalée à point. Avec Poelvoorde et JCVD, il pouvait difficilement en aller autrement il est vrai.
Côté prix, on retiendra surtout qu’outre Anne Coesens, formidablement ovationnée pour sa prestation dans Illégal, et Jonathan Zaccaï, primé pour Elève libre, la soirée aura consacré le triomphe, qu’il avait modeste, de Jaco Van Dormael, dont le Mr Nobody emporte six distinctions, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur. Un happy end mérité pour une oeuvre à l’histoire mouvementée, et la cerise sur le gâteau d’un palmarès cohérent.
Que l’ambassadeur du cinéma francophone soit le premier film anglo-saxon de son auteur n’est, somme toute, qu’une illustration du surréalisme à la belge. Quant à savoir si cette fête de famille sera reconduite, et élargie l’an prochain aux deux communautés, c’est peu dire que l’on a multiplié les gestes et les appels du pied en ce sens tout au long de la soirée. Puisque l’heure était aux voeux pieux, Jean-Pierre Dardenne y est, plus modestement, allé du sien: « On n’a plus qu’à espérer que le Standard soit champion ». Ca ne mange pas de pain, en effet.
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