L’oeuvre de la semaine: les colonnes vivantes
Protégée par la blancheur des murs, la petite forêt de verre joyeusement colorés créée par l’artiste française Julie Legrand (°1973) sourit au visiteur, l’invite et l’étourdit. Chaque sculpture ainsi dressée semble parcourue par une sève de lumière qui, comme par enchantement, passe, du bas vers le haut, d’un élément à l’autre, défiant tout à la fois l’équilibre et la stabilité.
En s’approchant davantage, une aura de familiarité s’accroche, attisant nos souvenirs. Le verre aurait pu, comme elle nous le propose dans d’autres oeuvres, être soufflé et s’échapper comme une bulle de savon d’une ancienne tuyauterie en grès trouvée sur une décharge. Il aurait pu être filé et jaillir et crépiter en une multitude de billes rouges comme dans une autre pièce accrochée non loin. Mais ici, tout est plus simple. Il suffit d’un peu de colle pour empiler, mais avec quel sens de la continuité de l’élan vertical, des verres à boire le vin, l’eau, le champagne et des vases dont la mémoire s’empare.
Certains ont dix ans d’âge, d’autres cinquante voire davantage. Produits industriellement, on peut encore les imaginer, posés sur des meubles cirés ou rangés derrière la vitrine d’un vaisselier, rappelant aussitôt des instants de l’enfance, le salon d’une grand-mère, une fête, un repas ou la boutique d’un antiquaire ou l’étal d’une brocante.
Ainsi, de cette forêt, on ne sort pas indemnes mais légers : « Tous mes éléments en verre, confie Julie Legrand, sont dynamiques, vivants, décidés et désirants. Ils sont en chemin… » Car ce qui interroge la plasticienne est moins le matériau du verre même si celui-ci l’autorise à des expérimentations que l’idée de transubstantiation. Et de rappeler une de ses premières oeuvres réalisées avec des asticots bien vivants et plus tard avec des mouches et de la cire, des plumes de pigeon, des pneus, du fil à coudre, des pierres, des éponges spontex ou…du verre.
Alors, si, en effet, dans l’exposition, le verre est seul à l’honneur, il s’agit de replacer son usage dans un cadre plus expérimental dans lequel, cette fois, la forêt magique est aussi un miroir aux alouettes, un piège qui nous rappelle surtout la fragilité, la fugacité et la complexité de la nature, de l’esprit et de la mémoire. Si la Biennale de Lyon comme le Palais de Tokyo ou encore la Maison rouge ont déjà accueilli les oeuvres de Julie Legrand, si le musée du verre de Charleroi a acquis une de ses oeuvres en 2016, son exposition solo dans une galerie en Belgique est une première.
Bruxelles, Galerie MLF Marie-Laure Fleisch. 13 rue Saint-Georges. Jusqu’au 20 juillet. Du mardi au samedi de 10h à 18h. www.galleriamlf.com
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