L’oeuvre de la semaine : Décoloniser nos rapports au monde
L’art peut-il nous ouvrir à d’autres rapports avec le monde ? Kati Heck, née à Düsseldorf en 1979 mais basée depuis de longues années en terres flamandes, a depuis toujours bousculé l’ordre et le bon sens. Ado, elle invite un Brad Pitt en carton à sa table et dans son premier film en 2010, elle propose un voyage dans les ténèbres avec la complicité d’amies déguisées en carottes, les fesses à l’air et des casques d’ours
Elle est aussi et surtout peintre, héritière de la grande tradition aussi expressionniste qu’efficace de la nouvelle objectivité d’Otto Dix et Georges Grosz dont les cibles étaient l’Allemagne des années 20. Un siècle plus tard, le combat s’est déplacé et mondialisé. Au fil des ans et de la menace qui pèse sur la planète, la manière de vivre de la quadragénaire demeure marginale.
Autour d’elle, avec elle, à la campagne, elle s’entoure d’amis sauvages qu’ils soient des êtres humains, des animaux et des plantes sans plus aucune hiérarchie entre chacun.
En réalité, ses « folies » rejoignent les propos très politiques de l’américaine Donna Haraway autour d’un mot, le « chthulucène » inspiré par celui d’une petite araignée. Pour la philosophe et biologiste californienne, nous devons nous défaire de nos concepts anciens qui instaurent le dualisme nature-culture comme le primat de l’humain et apprendre à habiter le trouble, soit le passé qui s’apparente à un humus sur lequel nous vivons plutôt qu’à espérer repartir de zéro.
Si, de fait, notre pensée est « colonisée » à tous les étages de nos vies poursuit-elle, il s’agit désormais de la provoquer. L’autrice américaine use pour ce faire de petites histoires (d’un papillon comme d’une population, voire d’une oeuvre d’art) car, écrit-elle, « l’enjeu du chthulucène (contrepied de l’anthropocène) est de peupler nos imaginaires d’histoires qui ouvrent des brèches et défient la fin du monde. »
Or, c’est bien ce que propose Kati Heck à travers des expériences de son vécu à partir desquelles elle construit des fictions qui croisent, avec le rire de Nietzche, son héritage allemand, René Magritte et son empathie pour un monde ensauvagé aussi élargi que « décolonisé ».
Pas étonnant alors que son travail soit plébiscité par des acteurs aussi différents que Luc Tuymans et Ai Weiwei.
Maastricht, GEM (musée d’art contemporain). Stadhouderslaan 43. Jusqu’au 8 novembre. Du mardu ai dimanche de 11h à 17h.
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