L’oeuvre de la semaine: c’est l’printemps!
C’est l’printemps dans ce tableau et tout fleurit sur fond d’aube rosée. Les fleurs sont jaunes, rouges, bleues et les tiges gorgées de souplesses. Tout jaillit d’un seul lieu situé à la rencontre de deux courbes généreuses alors qu’aussitôt, est-ce bien raisonnable, s’imposent à la vue des tentacules de poulpes et même des fils électriques terminés par des prises mâles et femelles.
Tout s’enroule, tout tourne, c’est l’printemps façon Laure Prouvost la quadra des Hauts de France, formée à Londres et aujourd’hui basée à Molenbeek après avoir obtenu le Turner Prize (c’était en 2013) et attiré 440.000 visiteurs à la Biennale de Venise 2019. Oui, répète-t-elle, « il faut se perdre pour mieux voir, nous devons rêver, imaginer, sans forcément attendre de signification immédiate… »
Le titre, « Hidden Spring » inscrit au bas de la composition sert pourtant d’avertissement. Car les variables de la traduction livrent un printemps qui peut-être « caché, invisible, secret ou encore dérobé ». C’est donc aussi le printemps covid dont la peinture ne serait qu’un épisode improbable inscrit sur le mur tapissé de treilles métalliques sur lesquelles se développe du lierre bien vivant.
A l’heure du confinement, Laure Prouvost a ressenti le besoin de renouer avec les petites choses proches et locales. D’où cette profusion de nature végétale qu’elle a déposé dès l’entrée de l’exposition avec des fleurs en pots et en file indienne. Puis un miroir d’Alice en forme d’ailes de papillon qui, placé haut et oblique réfléchit une composition florale toute en légèreté mais qui restera inaccessible. Oui, il y a aussi des nids d’oiseau en terre cuite et sur le sol un lustre en verre de Venise qui fleurit au diapason des objets ramenés des eaux du canal…de Bruxelles.
Depuis toujours, Laure Prouvost raconte des histoires à dormir debout ou plutôt à ressentir : « Je pense sincèrement, dit-elle, qu’il est possible de penser en sentant… comme le poulpe qui a son cerveau dans ses tentacules… » Nous y voilà. Et, peu à peu, l’iconographie déploie ses possibles, le printemps gagne en érotisme quand on reconnait, en lieu et place des courbures roses, la découpe des seins d’une plantureuse féminité. C’est l’printemps et tout devient sexué et électrique et le jaillissement central communique l’énergie de cette « chère imagination » (aurait dit André Breton) dans laquelle l’artiste française a planté sa tente de nomade.
Bruxelles, Galerie Obadia. 8 rue Charles Decoster à 1050 Bruxelles. Jusqu’au 29 mai. Du mardi au samedi, de 10h à 18h. www.nathalieobadia.com
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