L’oeuvre de la semaine: 1988, Berlin, la nuit

Berlin/Tornado's (VIII), 1988. Stylo bic sur papier, 221 x 150. Courtesy Galerie templon Paris et Bruxelles
Guy Gilsoul Journaliste

En 1988 a lieu la première réunion du GIEC à Genève. Quelques mois plus tard, à Tokyo, à l’occasion du G7, les sept pays les plus riches du monde s’engagent à réduire leurs émissions de carbone. Le projet vise à réduire de 20% les émissions de carbone à l’horizon 2005 afin de limiter le réchauffement climatique à 1,5%. Que s’est-il donc passé depuis alors qu’en 1981 déjà, l’Américain Malcolm Forbes Baldwin, le président du conseil sur la qualité de l’environnement (mis en place par Ronald Reagan) concluait son rapport par ces mots: « Il n’est pas de sujet plus important que la protection de la nature ».

En 1988, la nature ne se venge pas encore et Jan Fabre a 30 ans. Il est à Berlin Ouest au moment où se précise la Glasnot, le futur éclatement de l’URSS et la réunification des deux Allemagne. Comme depuis l’enfance et suite au décès à 5 ans de son frère aîné, ses nuits sont habitées par l’insomnie. Jusqu’à l’épuisement, il dessine, s’abandonnant à son « territoire nocturne » jusqu’à l’heure bleue quand la nuit meurt au lever du jour. Quand il avait 20 ans, il découvre l’outil confie-t-il « bon marché et efficace qu’il pouvait emporter partout, voire même voler » : le bic à l’encre bleue. Si le premier tracé doit alors au parcours d’un scarabée sur une boîte à chaussures, d’autres insectes, oiseaux et plantes s’imposeront, au coeur d’une mer de petits traits entrecroisés à la manière d’un champ énergétique aux obscurités légèrement irisées.

En 1988 donc, seul et la nuit, Jan Fabre, ce fils de jardinier, couvre de grandes feuilles de papier d’une infinité de signes graphiques bleus qui, laissant entre eux filtrer des lueurs rosées, met en place des paysages de menaces naturelles aujourd’hui presque banalisées par la médiatisation planétaire. Ce sont des cyclones, des tornades, des vagues géantes, des orages cataclysmiques qu’il compose tout au long d’un processus qui, jusqu’à l’épuisement physique et mental, associe l’hallucination, la peur, la rage et l’émerveillement. Aujourd’hui, ces dessins s’imposent comme autant de visions prémonitoires et, comme l’écrit l’artiste comme « un hommage à la force et à l’anarchie inhérente à la nature. ». En 1988, un collectionneur berlinois achète l’ensemble de cette production qui ne sera jamais montrée, ni en privé, ni en public… jusqu’à ce jour, plus de trente ans plus tard.

Bruxelles, Galerie Templon. 13a rue Veydt. Jusqu’au 22 février. Du mardi au samedi de 11h à 18h. www.templon.com

Légende :

Berlin/Tornado’s (VIII), 1988. Stylo bic sur papier, 221 x 150. Courtesy Galerie templon Paris et Bruxelles. Photo : Pat Verbruggen.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content