L’étonnante trajectoire d’un tableau de Picasso
Le 31 juillet dernier, la douane française a saisi un tableau de Picasso, présent illégalement sur un yacht en Corse. L’enquête est encore en cours.
Tête de jeune fille (1906) est une oeuvre de Picasso estimée à plus de 25 millions de dollars. La toile retrouvée le 31 juillet dernier en Corse, à bord du yacht Alix, est la propriété d’un riche banquier espagnol, Jaime Botin, dont la famille a fondé la banque espagnole Santander, devenue première banque du pays.
La toile était prête à être expédiée en Suisse lorsqu’elle a été retrouvée par les douanes françaises. L’homme n’était pas à bord de son navire, « battant pavillon britannique et propriété d’une société dont il est actionnaire, a précisé un porte-parole de la douane française », explique le journal Le Monde. Pour justifier la présence de l’oeuvre sur le bateau, Jaime Botin n’a montré qu’un document d’évaluation de l’oeuvre et un compte rendu de jugement, daté de mai 2015, qui émanait de l’une des plus hautes juridictions espagnoles, à savoir l’Audience nationale. Ce qui, non seulement, n’est pas suffisant, mais atteste que l’oeuvre établie « trésor national » ne pouvait pas sortir d’Espagne.
C’est en 2012 que le propriétaire fait une première demande de sortie de territoire de l’oeuvre pour pouvoir l’emmener à Londres. Demande catégoriquement refusée par le ministre de la Culture espagnol précisant qu’il « n’existe pas sur le territoire espagnol d’oeuvre similaire« de cette période de la vie du peintre, dite Gosol, un an avant qu’il ne s’oriente vers le cubisme, a expliqué un porte-parole du ministère.
En mai 2015, Jaime Botin tente d’apporter de nouveaux arguments pour plaider sa cause. Ses avocats soutiennent alors que le tableau, acheté en 1977 à Londres, n’est pas espagnol mais britannique et n’est donc pas soumis au droit espagnol. Ils ajoutent que « depuis des années, le tableau se trouve en permanence à bord d’un bateau à pavillon britannique, qui constitue un territoire étranger à tous les effets, même quand il accoste dans des ports espagnols ». Des arguments rejetés par l’Audience nationale espagnole qui conforte alors la décision du ministère.
« S’ils disent que le tableau a été acheté à l’étranger et qu’il y a toujours demeuré, pourquoi ont-ils demandé un permis d’exportation? C’est une énorme contradiction », souligne Javier Garcia Fernandez, enseignant en droit constitutionnel à l’Université Complutense de Madrid, dans le journal en ligne El Confidential. Avant de conclure qu’« à partir du moment où l’on sollicite une autorisation pour exporter un bien, qu’on se la voit refuser et que l’on mène l’affaire devant un tribunal espagnol, on reconnaît qu’il appartient à l’Espagne ».
Aujourd’hui, les autorités françaises sont en attente d’éventuelles demandes de l’Espagne pour récupérer cette toile de maître.
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