Le film de la semaine: Much Loved, de Nabil Ayouch

DRAME | Oeuvre exemplaire, jamais manichéenne et offrant de nombreux niveaux de lecture, Much Loved fait l’éloge d’une féminité rebelle aux clichés réducteurs.

Au Maroc, aujourd’hui, quelques femmes exercent le métier de prostituée, avec pour clients des Occidentaux et plus volontiers de richissimes Saoudiens qu’elles rejoignent derrière les murs bien gardés de grandes et belles villas. Décidées, complices, affranchies des interdits tellement hypocrites de la société, Hoha, Randa, Soukaina et Hlima font face à l’adversité, à la violence parfois, à l’incompréhension presque toujours. Entre contraintes et libertés, ce ne sont pas des héroïnes sans peur ni reproche. Juste des femmes qui se prennent en charge (pas de proxénète mâle dans leur vie), qui rêvent à autre chose que le destin féminin tel que le définissent tradition, religion et machisme omniprésent. Des femmes (admirablement jouées) avec leurs contradictions, leurs erreurs. Mais qui revendiquent le droit à la différence. Nabil Ayouch les filme avec empathie, dans une fiction documentée alliant audace thématique et inspiration formelle. Avec notamment des images « volées » dans les rues, d’une caméra promenée dans la voiture qui emmène les femmes sur leurs lieux de rencontre. La beauté tragique de ces ponctuations urbaines scande la progression pleine d’énergie du portrait collectif et en constant mouvement que trace le réalisateur des déjà remarquables Mektoub, Ali Zaoua prince de la rue et Les Chevaux de Dieu. Oeuvre exemplaire, jamais manichéenne et offrant de nombreux niveaux de lecture, Much Loved fait l’éloge d’une féminité rebelle aux clichés réducteurs. Il fait bien sûr l’objet d’une interdiction au Maroc, et plus largement dans le monde arabo-musulman…