Critique

[Le film de la semaine] Cold War, un amour impossible

© LUKASZ BAK
Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

DRAME | Dans un noir et blanc inspiré, Pawel Pawlikowski filme une histoire d’amour impossible se déployant entre Varsovie et Paris, dans les plis de la guerre froide.

Image d’un noir et blanc profond sertie dans un cadre carré: un plan suffit à apposer la griffe de Pawel Pawlikowski, le réalisateur de Ida, sur Cold War. Mais si les deux films sont proches par leur parti pris esthétique, le propos en est toutefois différent, où il est moins question cette fois de spiritualité que de s’insinuer dans les plis d’une histoire d’amour (lointainement inspirée de celle des parents du cinéaste) que les circonstances politiques vont s’employer à rendre impossible -l’absence de couleur renvoyant cette fois, de l’aveu du réalisateur, à l’horizon, uniformément grisâtre, de la Pologne communiste.

Romance elliptique

[Le film de la semaine] Cold War, un amour impossible

Cold War s’ouvre en 1949 alors que Wiktor (Tomasz Kot) et Irena (Agata Kulesza), des ethnographes musiciens, battent la campagne enneigée, enregistrant la mémoire chantée de la Pologne. En ligne de mire, la création, sous les auspices du pouvoir, de l’ensemble folklorique Mazurek, censé contribuer à redonner fierté et couleurs à un pays meurtri par la guerre. Et de procéder dans la foulée aux auditions auxquelles se présente Zula (Joanna Kulig), jeune femme au caractère bien trempé dont la rumeur veut qu’elle ait tué son père – « Il m’a confondue avec ma mère, mon couteau a fait la différence », commentera-t-elle laconiquement. Entre Wiktor et Zula, c’est bientôt le grand amour, compliqué toutefois par le contexte de l’époque, soumise à l’emprise de l’appareil communiste sur les individus comme sur les choses. Si la chanteuse passionnée semble s’en accommoder, le musicien épris de liberté n’a pour sa part plus qu’un désir, fuir le régime pour l’Ouest, un spectacle de Mazurek à Berlin en 1952 devant leur en offrir l’opportunité. Le moment venu, Zula joue cependant les filles de l’air… Procédant par ellipses, la suite du récit retrace leur histoire d’amour en pointillés, orchestrant, sur une dizaine d’années, leurs chassés-croisés entre Paris, Split en Croatie et la Pologne. Eux contre le monde en somme, amants maudits que la guerre froide n’aura de cesse de poursuivre jusqu’à contaminer leur relation même.

S’il n’évite pas toujours la facilité -dans sa reconstitution d’un Paris bohème en particulier-, Pawel Pawlikowski donne à cette romance tourmentée des contours d’une souveraine beauté. D’une imposante rigueur formelle, Cold War tient également la retenue pour vertu cardinale. Pour autant, soutenu par une mise en scène en mouvement (primée à Cannes) comme pour mieux épouser les élans des protagonistes, il y a là un film vibrant de l’intensité d’un amour fou que Tomasz Kot et Joanna Kulig portent à incandescence, jusqu’à son final tendu vers un absolu romantique.

De Pawel Pawlikowski. Avec Joanna Kulig, Tomasz Kot, Agata Kulesza. 1h27. Sortie: 31/10. ****

>> Lire également notre interview de Pawel Pawlikowski.

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