Critique

[Le film de la semaine] Burning, un pur ravissement esthétique

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Jean-François Pluijgers
Jean-François Pluijgers Journaliste cinéma

THRILLER | Lee Chang-dong revient en maître avec un film ambitieux tant pour sa plastique que pour son exceptionnelle maîtrise.

Lee Chang-dong s’est imposé, de Peppermint Candy en Poetry, comme un orfèvre en récits sinueux. Il n’en va pas autrement aujourd’hui de Burning, son sixième film à peine en un peu plus de 20 ans, le premier depuis 2010, qui voit le cinéaste coréen adapter la nouvelle Les Granges brûlées d’Haruki Murakami, à laquelle il a intégré des éléments de Barn Burning (L’Incendiaire, de William Faulkner). L’histoire débute lorsque Jongsu, un livreur doublé d’un aspirant écrivain, rencontre fortuitement Haemi, une amie de collège qu’il avait perdue de vue. Ils en sont à l’ébauche d’une histoire d’amour lorsqu’elle lui annonce partir en voyage en Afrique, non sans lui confier la garde de son chat, Choffo -félin du genre obstinément invisible. Et le jeune homme de s’acquitter de sa tâche, non sans s’appliquer mollement à l’écriture, quand il ne retourne pas dans sa campagne natale, à Paju, à la lisière de la Corée du Nord, pour s’occuper des affaires familiales, et plus précisément des problèmes laissés par son père, emprisonné pour avoir agressé un fonctionnaire. Moment où, Haemi lui ayant annoncé son retour imminent du Kenya, Jongsu a la désagréable surprise de la retrouver à l’aéroport flanquée de l’énigmatique Ben, wonderboy à la réussite aussi insolente que son assurance – « Il y a trop de Gatsby en Corée », estimera Jongsu, laissant libre cours à son ressentiment à l’égard de ce rival représentant tout ce qu’il ne sera jamais. Si une relation triangulaire déséquilibrée s’esquisse alors, Haemi disparaît bientôt, comme évaporée, ou alors partie en fumée -à l’image de ces serres que Ben affirme brûler à raison d’une tous les deux mois en guise de passe-temps-, laissant Jongsu tout à sa quête anxieuse de la vérité…

[Le film de la semaine] Burning, un pur ravissement esthétique

Mystère persistant

Burning est de ces films comme l’on n’en voit guère, tant par son ambition, plastique et philosophique, que par son exceptionnelle maîtrise. Relevant sa trame romantique de constat social -et épinglant notamment le chômage frappant la jeunesse coréenne-, il y a là encore un thriller métaphysique, non moins passionnant qu’inépuisable à vrai dire. Distillant, au gré d’une narration savante, les indices et autres informations venus stimuler l’attention et le plaisir du spectateur, Lee Chang-dong veille aussi à laisser ouvert le champ des hypothèses, au premier rang desquelles celles ayant trait à la disparition d’Haemi. À la suite, le film questionne, l’air de rien, la réalité du monde qui nous entoure et la perception que nous en avons, tout en s’insinuant au coeur des incertitudes qu’il soulève -résolument en prise sur son temps, mais aussi situé dans un ailleurs stimulant. Lee y ajoute la forme, et Burning est un pur ravissement esthétique, culminant dans une seconde partie crépusculaire, l’errance de Jongsu entre réalité et imaginaire brûlant d’un feu intérieur incandescent. Pour laisser, par-delà les cendres, un mystère persistant. Magistral.

De Lee Chang-dong. Avec Yoo Ah-in, Steven Yeun, Jeon Jong-seo. 2h28. Sortie: 29/08. ****(*)

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