
“ À la limite, une histoire imaginaire, inventée de toutes pièces, un fantasme partagé en ignorant tout l’un de l’autre, jusqu’à son existence -rien n’était à exclure.” Rien n’est à exclure dans l’existence des personnages du nouveau recueil de Michel Lambert. Dans cette dizaine d’instantanés, le récipiendaire du Prix Rossel en 1988 s’amuse avec le format qu’il affectionne et s’est fait spécialiste -la nouvelle. Dissimulé derrière le “je”, le narrateur de chacune des pièces a le talent pour provoquer la rencontre de connus et d’inconnus. Une femme aperçue dans un bar suivie dans la rue avant le baiser final, tensions tues autour d’une piscine où discutent deux anciennes amantes, un cimetière scène de théâtre beckettien dans une recherche à la tombe de l’épouse défunte dans un cimetière… Les saynètes sont si cocasses, aux frontières parfois du dialogue absurde, qu’elles pourraient paraître anodines racontées autrement. Dans la brièveté de l’instant saisi, Michel Lambert compense la frustration causée par l’éventuelle absence de chute par la finesse et le détail de la description faite par le scrutateur et permet de réserver de nouvelles surprises à chaque relecture. S’il est observateur, le lecteur ne l’est pas moins. Ici ce sont les minutes de l’intime qui importent, ces moments de suspension faits d’hésitation et d’audace.
De Michel Lambert, éditions Le Beau Jardin, 144 pages.
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