IDFA: Cinq documentaires à voir en 2015
Ils sont Autrichiens, Finlandais avec des accents du Brésil, bien Ricains ou encore Suédois: voici la liste de nos coups de coeur du Festival International du film Documentaire d’Amsterdam.
On va au Festival International du Documentaire d’Amsterdam comme on va en pèlerinage. Ou à Disneyworld. Probablement les deux, en fait, tant respect et excitation se mêlent aux odeurs de pop-corn dans les files. Quand les lumières des salles du cinéma Tuschinsky, de l’EYE ou encore du Melkweg se tamisent pour finir par s’éteindre comme un roulement de tambour visuel, le florilège d’émotions peut démarrer, aussi versatiles que le sont les films projetés. On y rit, jaune ou à gorge déployée, on s’y interroge, on s’y indigne, on y ouvre les yeux, très grand, on y verse une larme, plusieurs même. Une chose est sûre, on y va pour voir la crème de la crème des films documentaires de l’année.
Avec ses plus de 300 docus étalés sur douze jours de festival et ses quelques 250.000 spectateurs, l’IDFA est bel et bien le plus grand événement du genre au monde. Cette année, pas une seule ombre à l’écran, si ce n’est qu’on aimerait être partout, tout voir. Pour satisfaire votre appétit documentaire, Focus dresse ici la liste non-exhaustive des films, souvent diffusés en avant-première à l’IDFA, à voir de toute urgence en 2015.
Pixadores; l’art, la crasse et la révolte en noir et blanc
A l’origine, le réalisateur finlandais d’origine iranienne Amir Escandari voulait filmer des « surfeurs de trains », ces casse-cous inconscients prêts à s’administrer un nombre de volts létal pourvu qu’il soit précédé d’un grand frisson libérateur. Mais la vraie aventure commence vraiment lorsqu’il finit par suivre ces amants de la liberté dans leurs favelas crasseuses. À São Paulo, il découvre alors leur véritable « outil de révolution », le pixação. « Those who are not seen are not remembered. » Tracer des symboles runiques à quelques dizaines de mètres du sol est un besoin pour les pixadores; celui de poser leur empreinte sur une ville qui leur appartient et une société qui les rejette… avant de les propulser sur le devant de la scène. Les quatre personnages hantés et couturés du film, Djan, Ricardo, William et Biscoito se voient ainsi invités à la Biennale de Berlin, dans un monde à des années lumières du leur. Trop sûr, trop propre, trop coloré. Dans la capitale allemande, ils seront tour à tour catalogués de révolutionnaires, d’artistes et de criminels. Voire les trois à la fois.
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La caméra d’Amir Escandari, dont Pixadores est le premier long-métrage, suit le gang à bombe comme un chien errant que l’on traine de la rue au boulot, à la maison, jusqu’au coeur de ces nuits dangereuses, rythmées par le bruit des pales d’hélicoptères et les sirènes. La ville est une jungle et Escandari a choisi de la capturer en noir et blanc, révélant ainsi son intemporalité et sa noirceur. Si le choix esthétique peut gommer les tâches de gras des trottoirs, les vilaines cicatrices des pavés et la misère de l’histoire, il est l’empreinte du réalisateur sur son documentaire. À l’image de ces symboles cryptiques qui marquent São Paulo au fer noir.
Ida’s Diary filme le spectre de la folie
Ida ne va pas bien. Pas tout le temps, bien sûr. Parfois, la vie semble lui sourire, comme quand elle plonge toute habillée dans la mer, quand elle se sent vivante, quand elle a l’esprit clair. Avant la nuit, qui tombe invariablement sur sa Norvège natale et sur son esprit, qui charrie son lot de cauchemars, d’angoisses, de dérapages. Certains matins, elle se retrouve à l’hôpital, pas vraiment sûre de ce qui a bien pu se produire dans les ténèbres. Ida veut comprendre, alors elle parle à sa caméra ou à son smartphone, filme chaque moment dans les montagnes russes de sa vie, de sa folie. En direct du gouffre ou du sommet d’un pic enneigé, on découvre un combat: celui de la compréhension et de l’acceptation d’une maladie (mentale), mais surtout de soi. Ida’s Diary est un document exceptionnel, profondément intime et sincère.
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Spéléo sociologique In the Basement
Les caves sont les racines des maisons. Parfois sombres, fermées à double tour, parfois de véritables lieux de vie, avec bar, piscine et compagnie. Après sa trilogie crue intitulée Paradise, Ulrich Seidl descend les quelques marches qui séparent le salon du secret (et refait par la même occasion irruption au IDFA, où il présentait Loss Is to Be Expected en 1993). On trouve dans ces sous-sols autrichiens des poupées effrayantes de réalisme, des plumeaux nazis, des gnous empaillés, un esclave-amant, des cartouches de fusils qui tintent contre le ciment. Seidl croque leurs propriétaires avec son ironie reconnaissable, son perfectionnisme symétrique et sa manière bien à lui de « construire la réalité », dixit le réalisateur qui était également présent au festival. Mais même si In the Basement (Im Keller) se permet quelques incartades fictionnelles, il y a bel et bien un propos documentaire dans cette exploration de caves excentriques, commencée il y a treize ans. On ne peut s’empêcher de penser à nos Strip-Tease et de voir dans ce film un chef-d’oeuvre du genre, avec ses portraits tout en distance et intimité, ricanements et tendresse.
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Prévision de tempête économique dans The Forecaster
Tous les 8,6 ans, l’économie entame un nouveau cycle, si l’on en croit Martin Armstrong. Expansion, contraction. Des vagues capables de tout terrasser, d’anéantir toute construction sociétale… À moins qu’on ne soit préparé au tsunami. The Forecaster, c’est l’histoire de cet américain, millionnaire précoce et concepteur d’un modèle économique capable de prédire le futur de l’économie mondiale, emprisonné pour des raisons floues par la justice de son pays. Libéré faute de preuve, de crime et même de charges, il se refait une crédibilité et une fortune en jouant le rôle de sauveur de l’économie avec pour seule arme un modèle de prévision basé sur le nombre pi et l’histoire, qui a déjà fait ses preuves en 1989, en 1998, puis en 2007, parfois en prédisant au jour près les catastrophes économiques. Et la prochaine est prévue pour octobre 2015.
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« Can a computer predict the world economy? » Si l’accroche fonctionne si bien, c’est qu’elle nous lance sur une piste qu’on suit, avide, dans nos pompes d’enquêteur économique du dimanche. Parce que c’est bien d’un véritable thriller qu’il s’agit ici, où se mêlent bandits escrocs, injustice, FBI et gros sous (n’en dément la B.O. à cheval entre Taken et Batman). Dans The Forecaster, l’économie n’est plus une science élitiste, elle est proche, contextualisée, prenante comme jamais. « This is not about poor me, but what I have been fighting against for the sake of my own family and the future« , explique Armstrong. Aujourd’hui, l’historien économiste espère surtout que davantage qu’un bon documentaire, le film se fera catalyseur de changement. Réponse en 2015,75.
On the Bride’s Side, mais surtout du côté des migrants
Fin octobre 2013, trois amis prennent un café dans une gare de Milan. Les entendant discuter en arabe, un jeune homme s’approche et leur demande dans la langue de quelle voie part le train pour la Suède. Pour l’étudiant syrien rescapé d’un naufrage à Lampedusa et perdu dans la gare, cette rencontre scelle bel et bien le début de son voyage vers une terre promise, mais par des chemins détournés, plus risqués et sûrs à la fois. Parmi les trois hommes qui le prendront sous leur aile se trouve notamment Gabriele Del Grande, un journaliste qui, quelque temps auparavant, se trouvait en Syrie pour couvrir la guerre qui y fait rage. Le trio décide alors de poser un acte engagé et osé: convoyer le jeune homme et d’autres migrants syriens et palestiniens vers la Suède, où leurs chances d’obtenir l’asile politique sont bien moins maigres que dans le reste de l’Europe. Cependant, ce ne sont pas de « simples » passeurs qui prennent la route mi-novembre, pour traverser discrètement les frontières française (à pied), allemande, danoise et suédoise. C’est un (faux) cortège nuptial, dont le voyage sera filmé par une équipe montée à toute vitesse, malgré le danger et une lourde peine de prison s’ils venaient à être arrêté par les autorités.
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On the Bride’s Side est une fantastique aventure humaine, qui porte à la fois le drame et la chaleur de ses protagonistes, leurs rêves aussi. Un couple âgé veut permettre, à terme, à ses enfants de rejoindre l’Europe, tandis que Manar, 14 ans à peine et accompagné de son père, veut entamer une carrière de rappeur. Le documentaire, c’est le « bonus », la trace, l’archive finale d’un projet fou. « The filming, therefore, always had to adapt to the needs of the political act, because we really had to get to Sweden – it wasn’t just for the film. » 3000 kilomètres plus loin, plus de 2000 crowdfunders et presque exactement un an plus tard, le film faisait sa grande première internationale à l’IDFA, tendue, émouvante, forte. Chez nous, le film sera à l’affiche le 8 décembre prochain, pour la 14e édition du Festival du Cinéma méditerranéen, à la Rotonde du Botanique. Un rendez-vous documentaire italiano-syrien de qualité, à ne pas manquer.
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