Festival Voix de Femmes: « Ne programmer que des femmes est déjà un acte militant en soi »
Trente ans après sa création, le festival Voix de Femmes s’est recentré sur Liège (du 14 au 30 octobre) avec une programmation moins internationale qu’à l’habitude mais néanmoins bien calée dans le sillon de la turbulence #MeToo et des enjeux féministes actuels. Explications, avec sa codirectrice.
« Elles ont entre 24 et 70 ans. Une douzaine de personnes: des employées du festival, des volontaires, toutes concernées par l’enjeu de Voix de Femmes. » Flo Vandenberghe, codirectrice de l’événement avec une autre trentenaire, Emilie Rouchon, plante le décor de la biennale qui, depuis 1991, fait de l’agitprop féministe via la culture et ses multiples méandres stylistiques: musique, théâtre, danse, ateliers, débats. La saga Voix de Femmes (VDF) naît dans la contre-culture des années 1980-1990, lorsque la liégeoise Brigitte Kaquet travaille, avec le boss Michel Antaki (décédé en 2019), dans ce lieu effronté qu’est le Cirque Divers. En Outremeuse, le cabaret qui ne meurt jamais de soif programme autant les peintures de Topor que l’exceptionnelle performeuse Laurie Anderson. Il en résulte, grâce à Brigitte Kaquet, le désir de consacrer un événement aux femmes artistes et à leurs confluences.
Ne programmer que des femmes est déjà un acte militant en soi.
L’âge faisant, Kaquet laisse la place, en 2017, à une jeune direction bicéphale, Vandenberghe et Rouchon. Le duo perpétue aujourd’hui l’héritage féminin, en mettant notamment l’accent sur le séisme d’abus et d’inégalités envers les femmes qui agite le monde. « Le projet VDF est, dès ses débuts, un projet féministe, insiste Flo Vandenberghe. Ne programmer que des femmes est déjà un acte militant en soi. Le festival a très souvent fait le lien entre l’artistique et le politique. De 2000 à 2009, il y a eu ce réseau des mères et des proches des disparus politiques. #MeToo résonne avec ce qui nous préoccupe, par exemple la question des violences policières. Mais ce qui nous intéresse également, c’est d’avoir une diversité de parcours et de points de vue dans la programmation. Des artistes femmes et des intervenantes qui se sentent légitimes pour prendre la parole. On est sorti d’une formule « frontale » pour aller vers un mode qui intensifie les échanges entre public et artistes, par l’intermédiaire d’ateliers intimes qui interrogent, par exemple la situation des musiques du monde, partie intégrale de notre histoire. »
Slam énergisant
L’ édition 2021 de Voix de Femmes a choisi pour thème Dis/continuer, célébration à la fois d’un riche héritage sur trois décennies et témoin des transformations présentes. Soit vingt-sept propositions, dont la projection du documentaire de la belge Elisa Vandekerckhove, Les Nouvelles Guérillères, consacré à la « quatrième vague » du féminisme bruxellois travaillant dans l’espace public. Comme les Colleuses ou le collectif Noms peut-être!, Voix de Femmes se lit dans la transversalité. Celle des genres artistiques abordés mais aussi celle des audiences diverses qu’il rassemble. D’où la présence d’une médiatrice qui, pour VDF, se rend dans les associations pour expliquer la multiplicité du festival. Allant, entre autres, vers les personnes sourdes et malentendantes, leur permettant d’assister, notamment, au spectacle Aux confins du monde, en langage signé.
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« Parmi les trois mille spectateurs attendus, on a aussi des publics de niche qui peuvent être des amateurs de musique arabe ou des fans d’électro, souligne Flo Vandenberghe. Et puis, il y a ceux qui rebondissent sur des axes thématiques. » D’où ce joli grand écart 2021 entre la pop-chanson de Françoiz Breut, le slam énergisant de Lisette Lombé ou Les Fatmas de Belgica, un choeur interprétant des chants populaires du nord du Maroc. Si la musique se taille la part de la lionne, le spectacle est aussi dans « le cantique électro- gouine » (sic) de Ma soeur, mon amour, création d’Aline la Sardine sous le triple motif « rituel, désobéissance et jubilation ». Ou encore via le Tiens ta garde du collectif Marthe, représentation théâtrale autour de l’autodéfense féminine, reprenant l’histoire de cette tendance à la résistance, y compris physique.
Mais Voix de Femmes n’est-il pas le genre de festival prêchant déjà les convaincu(e)s, processus risquant d’en exclure les autres? « Ce n’est pas une crainte car, ces dernières années, le public est devenu relativement paritaire, par exemple dans les concerts, assure Flo Vandenberghe. Comme on a de multiples disciplines brassées, le public arrive par des biais très différents. Cette année, les hommes ou les personnes non-binaires viendront aussi voir, entre autres, ce qui est organisé autour des autrices de bande dessinée. » Comme le joli trait de Rebecca Ann Rosen.
A Liège, du 14 au 30 octobre. https://voixdefemmes.org/fr
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