Dark Souls II, aux sources du gaming
L’industrie du jeu vidéo lisse les bords de ses productions pour plaire aux joueurs. Dark Souls II prône lui l’apprentissage par l’erreur et revient aux sources du gaming. un jeu de rôle coriace et fascinant.
« Mais elle est où la liste des objectifs de mission, je dois faire quoi là? », s’impatiente une jeune blogueuse consternée par la démo de Dark Souls II. Plantée lors de la présentation parisienne (en février dernier) du nouvel action RPG de From Software, la scène s’est sans doute répétée des milliers de fois depuis la (récente) sortie officielle du jeu. Car partout où elle passe, cette aventure médiévale fantastique tire les gamers hors de leur zone de confort. Le game over y devient un ami de tous les instants. Si bien que des fans du précédent épisode ont érigé darksoulsdeaths.com, site piratant la sauvegarde de sa partie pour en extraire ses statistiques de mort, en passage obligé. Pourcentage moyen: 673 fins de partie par joueur.
« La plupart des jeux actuels prennent le joueur par la main du début à la fin en leur distribuant des médailles à tout-va », avance Takeshi Miyazoe, producteur éditorial de Dark Souls II. « Je regrette la difficulté des jeux des années 80. Ils étaient durs, plus concis, plus épurés. Ils ne se fourvoyaient pas dans des univers trop vastes. Ultima me manque. » Manettes en mains, dès les première minutes, le jeu sans concession se distingue d’un Dragon Age 2 ou d’un Skyrim en déroulant un monde endormi tapissé de bêtes féroces cachées. Pas de BO grandiloquente. Juste une musique crépusculaire traversée de quelques cordes et nappes de piano. Le royaume fané de Drangleic qui s’ouvre au joueur est en proie à une infection de morts-vivants.
Oubliez les giclées de sang fantasques d’un Romero. On avance ici sur des terres dont le calme inquiétant évoque le monde irradié de Fallout 3. Un village décharné agrippé au bord d’une falaise maritime, un ancien château torturé par une végétation sado-maso, un ponton vertigineux balayé par les vents… Figé, l’univers de Dark Souls II met surtout en avant des terrains et une architecture lourds de sens. L’ombre d’ICO se dessine: amputée de toute carte (malgré la taille de ses niveaux), cette ode au game over demande d’aiguiser son sens de l’observation pour trouver un chemin et avancer dans une quête très floue, en début de partie.
« Battre des boss est aussi difficile que survivre dans ce monde sans direction. La terreur gagne le joueur car il ne sait pas quoi y faire. C’est un élément essentiel du jeu qui demande de réellement se glisser dans la peau de son avatar », poursuit Takeshi Miyazoe. Hypnotique de par son mélange d’heroic fantasy à l’occidentale et de film d’horreur peuplé de chimères démembrées (à la The Grudge), Dark Souls II vomit des combats en temps réel vus à la troisième personne. Des joutes vachardes où il faut savoir esquiver des coups adverses au bon moment, tout en calculant son nombre de frappes (physiques ou magiques) limitées par une barre d’action.
Le côté obscur de la force
Malgré une réalisation visuelle dopée par un nouveau moteur graphique, le bilan graphique de Dark Souls II reste old gen. Pas de versions PlayStation 4 ni Xbox One à l’horizon donc, trop chères à développer selon l’éditeur. « On a amélioré les graphismes mais on n’est pas God of War. On voulait que ce boost technique ait un sens dans le gameplay. Comme une ombre sur un mur qui suggère la présence d’un ennemi par exemple », note Takeshi Miyazoe. Cette faiblesse technique ne gâche heureusement pas l’immersion, dopée par des jeux d’acteurs mémorables. Peter Serafinowicz, la voix de Darth Maul dans le premier épisode de Star Wars, a d’ailleurs participé à l’aventure. « Il est venu vers nous pour nous demander s’il pouvait nous aider d’une manière ou d’une autre. Sinon, on se moque des célébrités », insiste Takeshi Miyazoe.
Aussi hypnotiques que son univers chimérique, les combats en temps réel s’entourent d’une complexité amenant le gameplay à un niveau d’une rare profondeur. Chaque main du héros peut ainsi être équipée d’une arme blanche différente. Le tout avec deux puissances de coups. Mais aussi la possibilité de ne prendre qu’une seule épée à deux mains, avec en filigrane des coups très puissants mais plus lents à recharger.
Malgré ce luxe d’options entouré d’une nomenclature de compétences magiques liées à l’idée d’un au-delà (incompréhensible au début et impossible à lister en quelques lignes), les échecs épiques se succèdent. Inutile de se mettre à l’abri sur une échelle pour recharger sa barre de vie face à quatre chevaliers décrépis. Même loin de son arène de combat initiale, le quatuor poursuivra ainsi sans relâche le joueur. Dark Souls II n’aménage en outre aucune zone de sûreté. Jusqu’à interdire de mettre le jeu en pause…
Les points de sauvegarde sont eux-mêmes très rares. Mourir au bout d’un long chemin semé d’embûches se traduit ainsi par un retour à la case départ, avec le même trajet à refaire. Le jeu de la mort se profile en fait comme un parfait candidat à une chronique du Joueur du Grenier ou de l’Angry Video Game Nerd qui adorent pointer ce genre de difficulté vintage. Pis, il prend un malin plaisir à sanctionner la curiosité du joueur. Bousculer un chevalier endormi au pied d’un arbre le réveille, avec, à la clef, la mauvaise surprise d’une force brute insurmontable. Tomber nez à nez avec un molosse dépassant largement la puissance de son avatar arrive en outre fréquemment. En cas de réussite, le goût de la victoire est, lui, incomparable. Céleste.
- DARK SOULS II. ÉDITÉ PAR NAMCO BANDAI ET DÉVELOPPÉ PAR FROM SOFTWARE, ÂGE 18+, DISPONIBLE SUR PC, PLAYSTATION 3 ET XBOX 360.
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