Critique scènes: Comme un ouragan
Les compagnies Focus et Chaliwaté s’allient pour livrer une fable sur la fin de notre monde. Créé au Théâtre de Namur avant de partir en tournée, Dimanche entremêle sans paroles les aventures d’une équipe de tournage aux quatre coins d’un monde en perdition et le quotidien d’une famille qui s’écroule. Du grand art.
C’est merveilleux! Sandrine Heyraud et Sicaire Durieux, de la compagnie Chaliwaté (Jetlag, Joséphina) et Julie Tenret, de la compagnie Focus, ont un fameux savoir-faire pour susciter l’extraordinaire sur un plateau de théâtre. Manipulation d’objets et marionnettes, miniaturisations et illusions: tout est bon pour raconter la double histoire de Dimanche. D’un côté, un cameraman, une preneuse de son et une journaliste, fans de Simon et Garfunkel, parcourent le monde dans une camionnette pour filmer toujours plus loin, toujours plus haut, à leurs risques et périls. De l’autre, un couple et une grand-mère tentent tant bien que mal de garder un certain confort dans une maison qui fond sous la chaleur. Le lien entre les deux s’établit grâce à la télévision diffusant les infos et par le vol d’un flamand rose qui finira rôti.
Il faut le voir pour le croire: le trio, secondé par une solide équipe technique, donne vie à une maman ours polaire et son petit, plus vrais que nature, simule une tornade et inonde une maison de manière artisanale, avec des trucs et ficelles empruntés à la magie et aux débuts du 7e art, celui sans CGI. L’écriture de Dimanche est d’ailleurs très cinématographique, avec ses changements d’échelles, ses basculements d’axe, ses passages de l’intérieur à l’extérieur et ses travellings.
C’est merveilleux, mais c’est aussi terrible, voire terrifiant. Car ce qui se dessine devant nous est le récit d’une catastrophe annoncée, la concentration de dérèglements climatiques avérés, notre avenir si nous ne réagissons pas tout de suite. Comment ne pas se reconnaître dans ce couple essayant de déguster les croissants et le café du petit-déjeuner comme si de rien n’était alors que tout autour d’eux se déglingue, s’affaisse, s’effondre? Dimanche tend au public un miroir à peine grossissant de notre aveuglement et passe à la loupe l’absurdité de nos comportements. Dimanche est une invitation au changement. Et le temps presse, comme le souligne le tic-tac de l’horloge, qui continue de marquer les secondes même après le déluge. Alors on change?
Dimanche: jusqu’au 16 novembre au Théâtre de Namur, du 19 au 30 novembre au Théâtre les Tanneurs à Bruxelles, les 3 et 4 décembre à la Maison de la Culture de Tournai, le 6 décembre à la Maison de la Culture Famenne-Ardennes à Marche, les 24 et 25 janvier aux Rotondes à Luxembourg.
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