[Critique ciné] The Mule: Clint Eastwood en roue libre
DRAME | Énième récit de rédemption aux allures de chant du cygne pour un Clint Eastwood pur jus, en roue libre.
Dix ans exactement après le très bon Gran Torino, Clint Eastwood donne vie pour la deuxième fois, devant et derrière la caméra, à un scénario de Nick Schenk, à nouveau centré sur un vétéran de guerre. Mais là où Walt Kowalski pouvait se montrer particulièrement aigri et grincheux, l’Earl Stone de The Mule a tout du vieil homme charmant et sociable. Même si ce n’est certainement pas le point de vue de sa fille (la propre fille de Clint, Alison) et de son ex-femme (Dianne Wiest)… Horticulteur passionné, il a en effet toujours privilégié son travail à sa famille. Mais le mariage imminent de sa petite-fille et la faillite de son entreprise pourraient changer la donne. En besoin pressant de liquidités, il accepte de passer de la came à l’arrière de son véhicule pour un puissant cartel mexicain. Gringo sans casier judiciaire qui a traversé 41 États sans même jamais écoper d’une prune, il fait figure de candidat parfait pour le job. Mais l’argent appelle l’argent, et Earl, bientôt, ne peut plus s’arrêter…
La fleur de l’âge
Aussi improbable que ça puisse paraître, The Mule s’inspire d’une histoire vraie: celle de Leo Sharp, vétéran de la Seconde Guerre mondiale qui, à 90 ans, est devenu le transporteur de drogue le plus âgé et le plus prolifique du cartel de Sinaloa, dont il était le chouchou. Mais de cette invraisemblable trame narrative, Eastwood semble à vrai dire s’en ficher comme de sa première chemise à lignes, expédiant les scènes d’exposition de son film comme rarement. Qu’est-il donc allé chercher dans ce 38e long métrage réalisé par ses soins? Dans les notes qui accompagnent cette nouvelle sortie, le cinéaste de 88 ans raconte: « J’aime à penser que je suis toujours en train d’observer, d’apprendre, et Earl est comme ça lui aussi. Plus on avance en âge, plus on se rend compte qu’on ne sait rien. Du coup, on continue à avancer. » Et c’est là que The Mule commence à devenir intéressant.
Car si Clint tacle sans finesse la technophilie maladive de l’époque – » C’est quoi le problème de votre génération? Vous n’êtes pas capable de faire quelque chose sans votre téléphone?« -, il prend surtout plaisir à tordre le cou aux préjugés qui peuvent être les siens. Lesbiennes à moto qu’il confond avec des hommes, Noirs en galère qu’il appelle machinalement négros… Au bord de la route, Earl apprend de ses erreurs et en tire de nouvelles leçons. Quand un latino se fait arrêter par des flics, l’innocent dit en paniquant: « Statistiquement parlant, c’est le moment le plus dangereux de mon existence. » Soit l’une des bonnes punchlines d’un drame qui n’en est pas avare.
Derrière la relative pauvreté cinématographique de The Mule, objet répétitif et sentencieux au possible y allant de son inévitable rengaine sur l’importance de la famille, se dessine ainsi un autre film, plus intime, voire « politique » celui-là. Résolument positif, Eastwood y file la métaphore horticole avec une certaine réussite: au milieu d’un parterre de plantes vivaces, renaître à soi, même largement passée la fleur de l’âge. « C’est juste du temps, lâche Clint, face caméra, vers la fin de The Mule. C’est la seule chose que je ne pouvais pas acheter. » Il peut toujours continuer à la filmer.
De Clint Eastwood. Avec Clint Eastwood, Bradley Cooper, Dianne Wiest. 1h57. Sortie: 23/01. ***
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