[critique ciné] The Dissident, riche documentaire
Ancien proche du prince héritier Mohammed ben Salmane, journaliste et chroniqueur au Washington Post, Jamal Khashoggi est entré le 2 octobre 2018 au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul. Il n’en est jamais ressorti vivant; il y a été assassiné et démembré par un commando des forces spéciales venu de Riyad.
L’image du dauphin « réformiste » du roi Salmane, désigné par un rapport de la CIA comme commanditaire de l’opération, en a été définitivement altérée. C’est cet assassinat et bien plus que raconte le remarquable documentaire du réalisateur américain Bryan Fogel, déjà lauréat de l’Oscar 2018 de cette catégorie pour Icare, qui traitait du dopage en Russie.
The Dissident a deux dimensions aussi captivante l’une que l’autre. Un aspect thriller avec la reconstitution glaçante du parcours et de la mort de Jamal Khashoggi: jamais sans doute une affaire politico-criminelle de cette ampleur n’aura été aussi précisément décrite, grâce notamment à la retranscription inédite d’une partie des écoutes à l’intérieur du consulat. La coopération des autorités turques, pas mécontentes de mettre en évidence l’arbitraire et la brutalité des Saoudiens, y a contribué.
Mais le film de Bryan Fogel est riche aussi de son enquête sur la politique répressive de l’Arabie saoudite à l’égard des opposants à l’étranger, exercée notamment dans le cyberespace, un aspect peu connu de la théocratie wahhabite. Plus encore que celui de Hatice Cengiz, qui devait devenir l’épouse du dissident, c’est le témoignage de l’activiste Omar Abdulaziz Al-Zahrani, duquel Khashoggi s’était rapproché, qui éclaire opportunément sur la réalité de la « dictature protégée » d’Arabie saoudite.
Documentaire. De Bryan Fogel. 1h59. Sortie: 30/06. ****
Lire l’interview de Bryan Fogel dans Le Vif de cette semaine.
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