Critique ciné: Puppy Love
DRAME | Delphine Lehericey, la réalisatrice belgo-suisse de Puppy Love, n’a pas froid aux yeux. Son premier film est aussi remarquable que viscéral et utilement dérangeant.
Diane a quatorze ans. Elle porte encore l’enfance sur son visage, mais se voudrait déjà femme. L’adolescence est cet âge entre deux âges, ce lieu de passage qui souvent n’est pas sage… Ses mystères sont d’autant plus profonds aux yeux des autres qu’ils le sont aussi pour celle ou celui qui les vit, qui les traverse en se cherchant. En se mettant en danger, aussi. En testant les limites, au risque de se perdre au lieu de se trouver. Un fort, un beau, un délicat sujet, que Delphine Lehericey a choisi pour son premier long métrage, un Puppy Love qui captive et dérange, dont on ne sort pas indemne.
C’est donc l’histoire de Diane, qui vit avec son petit frère et un père aimant, très proche, trop proche peut-être. Au moment où nous la rencontrons, elle s’essaie laborieusement à l’amour physique avec un garçon de son âge pas vraiment décidé. La « chose » ne se fera pas, laissant à Diane ce pucelage dont la perte, même sans plaisir, est vue comme une étape à franchir pour devenir une « grande ». Le sexe attire Diane et la trouble, au point d’ouvrir en elle un manque indéfini (car dépourvu de tout point de référence), de faire d’elle -potentiellement- un oiseau pour le chat. L’irruption dans sa vie d’une jeune fille déjà largement affranchie, délurée même, va bouleverser l’existence d’une ado en plein questionnement…
Julia entraînera Diane dans une suite de mésaventures sur le fil du rasoir, creusant au gré de dangers palpables un chemin vers l’éveil où l’on voit le désir rimer avec le pire. Delphine Lehericey crée une folle tension, un suspense extrême, que magnifie une caméra chevillée à sa jeune héroïne, ne nous faisant rien perdre de ses émois, de ses révoltes, de ses peurs. Le meilleur du réalisme au service d’une lucidité qu’alimentent les souvenirs d’une réalisatrice puisant à la source de sa propre expérience. Et qui réussit à installer son film dans une dimension temporelle un peu vague, avec pour effet de rendre le récit, et son propos, très universels. Solène Rigot est Diane, pleinement, remarquablement. Toute de justesse et d’indécision, rebelle et fragile à la fois. Audrey Bastien est très bien aussi dans le rôle catalyseur de Julia. Et Vincent Perez offre son charme naturel au personnage du père un peu faible, dont la conscience des limites nécessaires s’avèrera aussi vacillante que celle de sa fille… Il faut voir Puppy Love. Il faut s’y risquer, littéralement, vivre cette expérience radicale et éprouvante offerte en partage, par-delà toute hypocrisie, tout mensonge rassurant. Le film ne dit pas: « Ceci est l’adolescence. » Mais son portrait d’une ado particulière, placée dans des circonstances qui ne le sont pas moins, donne en abondance matière à réflexion.
- DE DELPHINE LEHERICEY. AVEC SOLÈNE RIGOT, AUDREY BASTIEN, VINCENT PEREZ. 1H25. SORTIE: 07/05.
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