[critique ciné] Présidents, la comédie du pouvoir
Anne Fontaine imagine l’alliance improbable de Nicolas Sarkozy et François Hollande – Jean Dujardin et Grégory Gadebois – pour contrer l’extrême droite.
S’il s’est régulièrement essayé à décrire l’exercice du pouvoir de l’intérieur, du Quai d’Orsay de Bertrand Tavernier à L’Exercice de l’État de Pierre Schoeller, le cinéma français ne s’est que plus rarement aventuré sur le terrain de la satire politique. Anne Fontaine s’y risque aujourd’hui avec Présidents, une comédie plongeant dans l’Histoire récente et dans l’imaginaire collectif pour imaginer l’impensable: une alliance entre deux ex-présidents de bords opposés, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Soit donc Nicolas (Jean Dujardin), que la vacance du pouvoir a plongé dans le plus grand désarroi, tuant l’ennui en passant l’aspirateur quand il ne s’occupe pas de Sugus, le chihuahua que lui a offert sa femme Natalie (Doria Tillier), une chanteuse lyrique. Si la voie d’une nouvelle carrière politique lui semble définitivement fermée, la poussée de Marine Le Pen dans les intentions de vote va lui donner une idée: s’allier à son ennemi d’hier François (Grégory Gadebois), pour se poser en rempart providentiel contre le « péril fasciste » et paver la voie d’un retour sur le devant de la scène. Direction la Corrèze, où ce dernier coule des jours paisibles avec sa compagne vétérinaire, Isabelle (Pascale Arbillot), retraite tranquille à laquelle rien ne semble devoir l’arracher. C’est sans compter toutefois avec le goût du pouvoir et son parfum grisant…
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Décalage ironique
À l’instar par exemple de The Queen de Stephen Frears, Présidents doit une bonne part de sa réussite à son ancrage dans une réalité familière. Si elle puise dans un large répertoire de petites phrases, citations, situations, attitudes et autres traits de caractère attribués aux deux ex-présidents, Anne Fontaine sait aussi s’en écarter judicieusement, insufflant à l’ensemble ce qu’il faut de décalage ironique. Pour un résultat souvent très drôle, que soutient une mise en scène alerte, relevée de l’une ou l’autre trouvaille hilarante, à quoi Jean Dujardin (à l’abri du mimétisme, mais pourtant par endroits plus Sarko que nature) et Grégory Gadebois (parfait dans la rondeur d’un Hollande soi-disant « normal ») apportent un surcroît de relief. Derrière le pouvoir et son manque, c’est la comédie humaine qui se donne à voir, que la réalisatrice croque avec une jubilation manifeste et communicative. Hautement fantaisiste dans ses attendus, Présidents n’est pas un film politique, ce qui n’empêche nullement Anne Fontaine de pointer la menace bien réelle que fait planer l’extrême droite sur la démocratie. Tout en suggérant, l’air de rien, une alternative inscrivant cette comédie du pouvoir dans la lignée féministe de son oeuvre. Sans militantisme mais avec humour pour le coup, pour un résultat léger et allègre, dont l’on regrettera qu’il n’ait pas été plus corrosif…
Comédie D’Anne Fontaine. Avec Jean Dujardin, Grégory Gadebois, Doria Tillier. 1h40. Sortie: 30/06. ***(*)
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