Critique ciné: Kid
DRAME | L’enfance inspire à Fien Troch un petit chef-d’oeuvre intense et singulier. Un des meilleurs films flamands jamais réalisés.
DRAME DE FIEN TROCH. AVEC BENT SIMONS, MAARTEN MEUSEN, GABRIELA CARIZZO. 1H30. SORTIE: 16/01. ****
La disparition d’un enfant était au coeur d’Unspoken, le film précédent de Fien Troch (lire son interview dans le Focus du 11 janvier). Lisa y « revenait » dans la vie de ses parents après des années d’absence inexpliquée. Mais pas par la porte du foyer familial: sur la pointe des pieds, à la manière d’un fantôme. Cette oeuvre subtile et sensible, couronnée du Prix Cavens du Meilleur film belge par la critique nationale, avait définitivement attiré le regard sur le travail très personnel de la jeune réalisatrice flamande, auteure déjà d’un premier film fascinant: Een ander zijn geluk. Et voici que vient Kid, avec à nouveau l’enfance au coeur des choses, et une inspiration si claire, si profonde, si élevée, qu’on porte ce film en soi bien au-delà d’un générique regardé jusqu’au bout en silence.
A 34 ans, Fien Troch signe avec une confondante maîtrise un des plus beaux films jamais tournés au nord du pays. Un petit chef-d’oeuvre aussi sobre qu’intense, aussi captivant qu’émouvant. Nous sommes quelque part dans le paysage flamand, et très vite on devine la Campine, avec ses bois et ses tourbières semés de villages et de fermes. C’est là que vit Kid, un petit garçon de 7 ans. Il habite avec son frère un peu plus âgé, et leur mère. Tout semble calme dans la ferme qu’ils partagent, mais leur existence n’en est pas moins fragilisée par des problèmes financiers de plus en plus aigus. Une dèche dans laquelle le départ du père, quelques années plus tôt, a plongé la famille…
Inexorable beauté
Une tension singulière s’insinue très vite dans le film. Une menace diffuse y plane presque d’emblée, laissant redouter les coups d’un destin qu’on devine cruel. Et les coups viendront, s’abattront sans pitié. Loin de tout mélodrame, comme si le malheur brutal faisait partie de ces éléments qui ne font qu’incarner les forces de la nature, plus encore qu’un dieu dont des personnages de Kid célèbrent l’existence mais qui pourrait bien ne pas résider dans ce ciel plombé où montent les prières. Une musique minimaliste aux accords émouvants ponctue la marche inexorable des images, rythmées à la perfection par un montage d’une précision extrême. L’angoisse est là, mais aussi la beauté, comme dans ces films du grand réalisateur danois Carl Theodor Dreyer (Dies Irae, Vampyr), auquel le cinéphile ne pourra que penser devant le miracle d’une expérience cinématographique où peuvent également surgir par endroits des échos de David Lynch (pour l’inquiétude existentielle affleurant sous la surface d’un quotidien aux apparences banales) et de Michael Haneke (celui du Ruban blanc, faisant coexister le mal et l’innocence de la plus troublante façon.) Kid est un voyage, un voyage à la fois intérieur et incarné dans chaque millimètre carré de l’écran sur lequel se projette sa fervente, sa déchirante humanité.
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