[Critique ciné] Downton Abbey, le film, manque de… cinéma
COMÉDIE DRAMATIQUE | Le passage au grand écran d’une célèbre série télévisée creuse un peu plus la veine féconde de la comédie sociale britannique.
On ne saurait avoir un système de classes sociales aussi caricatural et une production cinématographique aussi encline à la comédie sans voir les deux régulièrement se croiser. D’autant que les Britanniques ne sont pas les derniers à savoir rire d’eux-mêmes. En littérature et au théâtre d’abord, au cinéma et à la télévision ensuite, les rapports entre maîtres et valets, noblesse et domesticité ont ainsi nourri un nombre incalculable d’oeuvres et de spectacles souvent réjouissants par plus d’un aspect. Au petit écran, le succès fou d’Upstairs, Downstairs (1971-1975) en fit un phénomène, réunissant de très nombreux téléspectateurs devant l’exposition de la maisonnée de la famille aristocratique des Bellamy, du tout début du XXe siècle à 1930. Les maîtres vivant en haut du bâtiment (« upstairs ») et les serviteurs en bas (« downstairs »). Une donnée spatiale reprise au passage par le grand cinéaste (et satiriste) américain Robert Altman quand il aborda la question des castes et de leurs rapports dans son savoureux Gosford Park de 2001. Le film fournissant son inspiration de départ au second grand feuilleton anglais touchant au sujet: Downton Abbey. C’est cette série à grand succès populaire, diffusée de 2010 à 2015, qui se voit aujourd’hui transposée au grand écran.
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Satire et nostalgie
Écrit comme la série et Gosford Park par Julian Fellowes, le film réunit les acteurs principaux du feuilleton pour camper la famille Crawley et sa domesticité, tous très en affaire quand leur parvient une nouvelle aussi marquante qu’inattendue: le roi et la reine vont faire étape à Downton Abbey! La demeure ancestrale va vibrer tout à la fois d’une attente fébrile (tout se doit d’être parfait pour les souverains), d’une émotion palpable devant pareil honneur, mais aussi de tiraillements tant « upstairs » que « downstairs ». Nous sommes en 1927 et la question irlandaise divise, jusqu’au sein de la famille, où un différend en matière d’héritage risque aussi de perturber la royale visite. Chez les domestiques, où quelques voix républicaines se font entendre, on va mal digérer l’irruption du majordome, du cuisinier, des valets de chambre et de pied de la Couronne, excluant les « locaux » de tout rôle actif durant le grand événement… De quoi générer le croisement des intrigues, les allées et venues, les révélations et rebondissements attendus. Et aussi le mélange de satire (jamais vraiment méchante) et de nostalgie marquant un genre toujours conservateur au fond même si notre époque souffle quelques rares audaces (ici du côté d’une homosexualité durement réprimée par la loi). D’une écriture fine et spirituelle, joué à la perfection par des interprètes bien dans leurs rôles, le film manque juste de surprises et de… cinéma. N’a pas la fluidité d’Altman qui veut, bien entendu.
De Michael Engler. Avec Michelle Dockery, Hugh Bonneville, Maggie Smith. 2h03. Sortie: 25/09. ***
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