Critique ciné: Alleluia, l’amour à mort
DRAME CRIMINEL | La passion mène un couple au-delà du bien et du mal dans le film à la fois choc et profond d’un Fabrice du Welz très inspiré.
Ils s’aiment à la folie. D’une passion à laquelle rien ne résiste. Michel et Gloria se sont connus via un site de rencontres. Lui, célibataire dragueur, séducteur avec un petit quelque chose d’étrange, de décalé. Elle, mère d’une fille qu’elle élève seule. Elle ignore encore que Michel tient en secret des cérémonies invocatoires, façon vaudou, destinées à garantir ses succès amoureux. Lui ne sait pas que Gloria va tellement investir leur relation qu’aucune entrave ne lui sera tolérée. Même s’il faut passer par la violence, la mise à mort de toute rivale potentielle. Les stratagèmes et arnaques que le couple imaginera puis mettra en pratique, pour abuser financièrement de femmes seules ou âgées en manque d’affection, ne pouvant dès lors mener qu’au meurtre… Venant après l’expérience négative de Colt 45, cause de conflit long et pénible avec son producteur (et bien que pas mauvais polar du tout), Fabrice du Welz (lire son portrait dans le Focus du 7 novembre) renoue avec sa meilleure inspiration pour un Alleluia qui a secoué la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes, au mois de mai dernier. Dans la lignée de Calvaire, et avec le même Laurent Lucas en acteur principal, le cinéaste belge fait fort, très fort…
Dépendance
Alleluia est très librement inspiré de la trajectoire sanglante de Raymond Fernandez et Martha Beck, mieux connus sous le nom des « Tueurs de la Lune de Miel ». Une équipée criminelle qu’avait déjà et spectaculairement adaptée Leonard Castle dans son Honeymoon Killers de 1969. Bien plus que le fait divers, ce sont les rapports fusionnels jusqu’à la violence des amants qui intéressent du Welz. Rarement la dépendance amoureuse a été si puissamment évoquée à l’écran. Le réalisateur ne masque pas sa fascination, et même son empathie, à l’égard de personnages fervents, extrêmes, que la passion conduit au-delà du bien et du mal. Idéalement servi par Laurent Lucas et par une Lola Duenas extraordinaire d’engagement, le cinéaste use d’une caméra mobile, du grain « vivant » que permet la pellicule, pour nous cheviller à ses personnages. Il ne juge pas ces derniers. Il ne cherche pas la sensation facile, ni la provocation. Ce qu’il souligne d’humain dans son portrait de « monstres » est une des choses les plus fortes qu’il nous ait été donné de voir cette année. Alleluia fera très vite un film culte. Fabrice du Welz y confirme avec un noir éclat son engagement aux lisières de la plus obscure et vénéneuse poésie.
- DE FABRICE DU WELZ. AVEC LAURENT LUCAS, LOLA DUENAS, STÉPHANE BISSOT. 1H30. SORTIE: 12/11.
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