Arrêt sur images: la photographie continue de s’exposer
Ce n’est pas parce que les lieux d’exposition sont fermés que la photographie disparaît des écrans. Six initiatives pour continuer de faire vivre l’image.
Sabotages
« Always look on the bright side of life« , chantaient à juste titre les Monty Python. Si le confinement nous assigne à résidence, il a pour effet positif de prolonger l’exposition du Bruxellois Mathieu Van Assche. Ne nous voilons pas la face, la merditude des choses aurait logiquement engendré la frustration. Sachant que le graphiste s’exposait jusqu’au 12 avril à la Galerie Satellite de Liège, il y aurait eu fort à parier que l’on serait passé à côté de l’événement… comme cela arrive souvent quand il y a des kilomètres à parcourir. Bonne nouvelle, la monstration en murs et en papiers, comme on dit en « chair et en os », fait désormais place à une séquence filmée, alternant plans larges et rapprochés, de trois minutes absolument réjouissantes -à voir depuis chez soi sur Vimeo ou sur le site de l’intéressé. L’occasion est belle pour savourer un travail de détournement de tirages originaux au moyen d’un marqueur Posca. Vous avez dit « drôle »? C’est carrément hilarant de découvrir ces clichés du bon vieux temps virer au grotesque, au démoniaque, voire au monstrueux. Difficile de trouver démarche plus anti-déprime que celle-là.
Chronique d’un printemps
Le site BrowniE a vu le jour à l’été 2017. L’initiative est née d’un constat sans ambiguïté: « l’absence d’un site internet consacré à l’actualité de la photographie en Belgique« . Pour pallier le manque, ils sont trois à avoir imaginé un coin de Web « pour et sur celles et ceux qui en Belgique font et aiment la photographie: professionnels, amateurs, étudiants, instagrameurs, chineurs« . On applaudit d’autant plus qu’à la faveur du confinement, BrowniE a eu la bonne idée d’inviter les preneurs d’images à faire la « chronique chorale » de cette étrange période pendant laquelle se croisent les énergies (explosion de la nature versus repli sur soi). Très logiquement intitulée Chronique d’un printemps (« en espérant, peut-être naïvement, que l’été laissera une partie des mesures actuelles derrière nous« , précisent les organisateurs), la rubrique donne à voir une photographie par jour qui lève le voile sur le quotidien suspendu. On aime cette idée qui s’inscrit dans un genre, celui de la photographie domestique, dont on n’a pas fini d’explorer tout le potentiel.
Sine die
Ulrich Lebeuf, membre de l’agence photo Myop, l’a clamé haut et fort: « Nous avons le devoir de témoigner« . Le geste a rapidement suivi la parole. Les 19 membres de ce collectif français publient chaque jour une photo qui témoigne du caractère inédit de la situation actuelle. Jusqu’ici une vingtaine d’images qui secouent. Tout y passe, de l’urgence à l’ennui des jeunes, en passant par les remous politiques qu’engendrent le Covid-19, la pauvreté ainsi que cette effrayante esthétique du masque que la pandémie traîne dans son sillage. Ce retrait du visage derrière le tissu est peut-être ce qu’il y a de plus redoutable en ce qu’il dit une défaite de l’humain.
Stay Home(s)
Programmation réputée dédiée à la jeune photographie européenne, le festival Circulation(s) aurait dû se dérouler du 14 mars au 10 mai. Si un épouvantable petit virus en a décidé autrement, l’événement n’a pas dit son dernier mot pour autant. C’est par le biais d’Instagram que la résistance s’organise. Stay Home(s) consiste en une sorte de correspondance virtuelle: de Minsk à Berlin, de Rome à Helsinki, de Paris à Barcelone, toute l’équipe du festival et les 45 artistes de cette édition livrent jour après jour leur vision de cette situation à travers des images qui sont comme autant de télégrammes du confinement. Et on en redemande.
Un artiste, une oeuvre
À Paris, le Jeu de Paume propose une visite virtuelle de la très pertinente exposition Le Supermarché des images à travers les commentaires de son commissaire, Peter Szendy. Cette exposition thématique questionne l’économie des images d’une manière inédite, c’est-à-dire en nous confrontant à leur omniprésence dans le monde actuel… ainsi qu’aux enjeux de cette ubiquité. En marge de cette séquence, que l’on peut aussi trouver sur YouTube, l’institution met chaque semaine en ligne des oeuvres reprises au générique de l’événement. Celles-ci font l’objet d’un commentaire de deux minutes assuré par l’artiste à qui on les doit. Éclairant.
Polka Galerie
On ne présente plus Polka Magazine, la célèbre publication lancée par Alain Genestar en 2007. Depuis, prolifération des images oblige, Polka c’est aussi une galerie d’art et un compte Instagram, suivi entre autres par Joel Meyerowitz, qui se posent là en matière de photographie. Depuis le 27 mars, le compte Instagram en question propose à un talent de squatter son fil à travers un Journal du confinement. L’exercice à la fois drôle et intimiste livre son lot de photographies inattendues. Ainsi de Bernard Cantié qui, fesses à l’air, donne de ses nouvelles depuis la Corse. Un bol d’air visuel d’une grande fraîcheur. Ou encore de Claude Nori qui confie une recette de pâtes à l’italienne.
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