7 séries télé qui ont changé la donne
Taschen sort une déclaration d’amour aux séries télé de près de 750 pages, véritable bible consacrée à l’une des formes de narration les plus populaires du XXIe siècle. Focus sur sept d’entre elles qui ont changé la donne.
Etre exhaustif, en matière de séries, n’est évidemment pas une option. Alors Taschen, sous la direction du professeur Jürgen Müller, a fait un choix. Soit 68 titres qui, pour le célèbre éditeur allemand, se distinguent dans le panthéon des productions télévisées de ces 25 dernières années. Ça commence avec The Simpsons, ça finit avec True Detective. Autant dire qu’on passe de l’âne au coq dans ce florilège d’incontournables, qui oublie Urgences, Nip/Tuck, Prison Break, Weeds ou même Grey’s Anatomy, au profit des plus anecdotiques Firefly, Dollhouse ou The Bridge. Pas de traces non plus, ou si peu (le Riget de Lars Von Trier, Borgen et Downton Abbey), des grandes réussites européennes façon Sherlock, Luther, The Killing, Brön ou Real Humans. Ne boudons pourtant pas notre plaisir devant cette véritable somme, L’univers des séries TV proposant pour chacune des 68 fictions sélectionnées une dizaine de pages d’analyses pointues, superbement mises en valeur par le (grand) format des photos.
En ouverture, Jürgen Müller et Steffen Haubner se piquent par ailleurs d’une intéressante réflexion sur la nature même des séries. Leur thèse? L’ADN d’une fiction télé, qu’elle soit classique ou moderne, cucul la praline (La Petite Maison dans la prairie par exemple) ou cinglante (Breaking Bad), est toujours trempé dans le bain familial: la famille comme source structurelle de l’intrigue, la famille comme destination finale de cette même intrigue. Comme dans les fictions classiques pré-HBO, les nouvelles séries, plus vivantes, plus ambitieuses, permettraient à chacun des membres d’un clan de s’identifier à un personnage, et ce même si les enjeux se sont complexifiés avec le temps. Plus averti, plus exigent, le public n’en resterait pas moins fondamentalement le même. « La famille nucléaire, autrefois au centre de la série, a laissé la place à une galerie de personnages recombinés en permanence, dans laquelle le public et la société elle-même peuvent se refléter comme dans un miroir. Ici réside la force intégratrice des nouvelles séries. Autrement dit, la famille est toujours là, mais on la vit aujourd’hui sous des formes bien plus variées, elles-mêmes soumises à une métamorphose permanente », estiment les auteurs. Pas étonnant que l’analyse s’ouvre et se referme avec Breaking Bad, véritable symbole de ce que le drame familial peut donner, aujourd’hui, sur un petit écran. Pas étonnant non plus que le point de départ de Taschen, pour cette anthologie, soit 1989 et l’arrivée des Simpsons… En clair, si les séries ont rejoint le cinéma sur le plan de la complexité, des référents esthétiques et de l’impact dans la culture populaire, on aurait affaire ici à un continuum plus cohérent que prévu, en tout cas éloigné de la théorie de la rupture nette d’Oz ou des Sopranos: « La différence entre les séries dites d’auteurs et les séries classiques n’est donc, après un examen plus poussé, pas si importante qu’on le prétend souvent », lit-on. Même s’il est indéniable que de nouveaux paliers ont été franchis depuis 25 ans, artistiquement, sociologiquement et même philosophiquement…
L’univers des séries tv, éditions Taschen, sous la direction de Jürgen Muller, 745 pages. ****
ABC, 1990-1991. Créée par David Lynch et Marc Frost.
Le pitch: Le corps de Laura Palmer, 17 ans, est retrouvé dans un sac plastique. Appréciée par toute la communauté de Twin Peaks, Laura devra compter sur l’agent Dale Cooper pour tenter d’élucider le crime dont elle a été victime.
Ce que ça a changé: En avance sur son temps, Twin Peaks marque un point de rupture. A la fois dans les habitudes visuelles, mais également dans les ambiances presque oniriques qu’elle déploie. Horreur, perversion, bizarrerie et humour noir forment, dans le cerveau pour le moins particulier de David Lynch, un cocktail assez inédit jusque-là. Référent culturel important, Twin Peaks marque également l’avènement de ces communautés d’happy few, connaisseurs et débatteurs de séries, qui exploseront quinze ans plus tard avec Lost.
La phrase qui donne envie: « Au début des années 90, cette série fut non seulement un sujet de conversation comparable à un phénomène de masse, mais se révéla également révolutionnaire et influente, d’une manière jusque-là inédite pour les séries télévisées en particulier et la culture populaire en général. »
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HBO, 1999-2007. Créée par David Chase.
Le pitch: Déprimé, Tony Soprano, l’un des parrains de la mafia du New Jersey, se rend régulièrement et en secret chez son analyste, le Docteur Jennifer Melfi. Pas famille de gérer deux familles en même temps…
Ce que ça a changé: Peu après l’intransigeante Oz et quelques années avant la magnifique Six Feet Under, The Sopranos consacre la série d’auteur sur HBO. Ou comment David Chase, frustré de ne pouvoir s’exprimer sur grand écran, a donné un souffle inédit à la fiction télévisée, emmenant dans le sillage d’une série dramatique complexe, exigeante et ramifiée, une audience miraculeuse. En clair, The Sopranos avalisent le nouveau deal pour les chaînes payantes: produire de la qualité, non seulement ça marche, mais c’est essentiel!
La phrase qui donne envie: « Mais avant tout, The Sopranos est le précurseur de toutes les nouvelles séries télévisées. »
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Fox, 2001-2010-2014. Créée par Joel Surnow et Robert Cochran.
Le pitch: Jack Bauer, l’un des agents les plus efficaces de la CTU (l’unité de contre-terrorisme), doit faire face à la menace d’un attentat contre David Palmer, candidat à la présidence…
Ce que ça a changé: Addictive à l’extrême, controversée pour le message qu’elle véhicule, 24 se base, comme son nom le laisse deviner, sur une journée. Soit 24 épisodes « en temps réel » (pub comprise), qui décrivent 24 heures d’une journée à l’action échevelée, dans laquelle Jack Bauer va systématiquement tenter de sauver l’Amérique de la menace terroriste. Suspense intense, split screen pour multiplier les points de vue, compte à rebours apparent…: la série de Joel Surnow et Robert Cochran a révolutionné l’esthétique du genre, tirant profit des possibilités temporelles offertes par la télévision.
La phrase qui donne envie: « Est-il acceptable, peut-être même impératif, d’abandonner quelques innocents à leur destin au nom de la raison d’Etat, ou même de provoquer activement ce sacrifice pour sauver la vie du plus grand nombre? »
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HBO, 2002-2008. Créée par David Simon.
Le pitch: La mise en place, à Baltimore, d’une équipe de flics qui, grâce à des écoutes difficilement obtenues, va tenter de combattre le trafic de drogue qui gangrène la ville.
Ce que ça a changé: Unanimement consacrée par la critique, The Wire marque un nouveau tournant dans l’histoire des séries. Portrait fouillé, tentaculaire et désabusé d’une ville américaine moderne, la fiction de David Simon, basée sur ses propres travaux journalistiques, augmente d’un cran encore le niveau d’exigence réclamé à ses fans. Etudiée à Harvard et dans bien d’autres universités, The Wire adopte le regard des flics et des trafiquants, dans un jeu de miroir à la portée sociologique inédite. Bluffant.
La phrase qui donne envie: « Les cinq saisons de The Wire ont souvent été comprises comme un grand roman de société à la mode de ceux du XIXe siècle, comme une version actuelle des travaux d’Emile Zola, Honoré de Balzac, Charles Dickens ou Theodor Fontane.«
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ABC, 2004-2010. Créée par J.J. Abrams, Jeffrey Lieber, Damon Lindelof.
Le pitch: Le vol Oceanic 815 Sydney-Los Angeles s’écrase sur une île perdue du Pacifique Sud, libérant sur ce petit bout de terre une série de personnages qui devront non seulement composer entre eux, mais également avec ce que l’île leur réserve…
Ce que ça a changé: Si Twin Peaks avait donné naissance à des groupes de fans organisés, c’est probablement Lost qui, la première, a généré une véritable hystérie collective. Portée par la démocratisation d’Internet, cette saga en six saisons piquée de références spirituelles, voire ésotériques, a généré d’immenses communautés d’aficionados fébriles, interprétant ou anticipant les replis de l’intrigue. D’où, par extension, l’immense tristesse desdits fans devant la fin de la série, jugée décevante…
La phrase qui donne envie: « Lost est devenue l’une des séries les plus populaires du nouveau millénaire, créant, à la manière de l’univers de Star Trek, son propre monde encyclopédique, et racontant au fil de six saisons une histoire ininterrompue qui demeure passionnante jusqu’au bout. »
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AMC, 2008-2013. Créée par Vince Gilligan
Le pitch: Un professeur de chimie, quinqua tout ce qu’il y a de plus terne et ordinaire, apprend qu’il est atteint d’un cancer incurable. Pour subvenir aux besoins futurs de sa famille, il va se mettre à fabriquer de la métamphétamine avec l’un de ses anciens élèves.
Ce que ça a changé: Fait assez inédit dans l’histoire des séries, le héros de l’histoire, identifié comme tel, va suivre une courbe le menant du Bien au Mal. Walter White, brillamment incarné par le multi-récompensé Bryan Cranston, se transforme en effet progressivement en baron de la drogue. Et il y prend goût. S’en suit, pour le téléspectateur, un jeu pervers d’identification et de distanciation qui, plus que jamais, soulève des questions morales d’une ampleur pour le moins interpellante, le tout dans une série superbement écrite.
La phrase qui donne envie: « On peut en tout cas considérer Breaking Bad comme la bombe atomique des séries télévisées. »
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Netflix, 2013. Créée par Beau Willimon.
Le pitch: Politicien haut placé au Congrès américain, Frank Underwood n’obtient pas du nouveau Président le poste qui lui avait été promis. Bien aidé par son épouse Claire, il fomente une vengeance qui implique une folle ascension vers le pouvoir.
Ce que ça a changé: Si des séries comme Boardwalk Empire avaient déjà bénéficié d’un casting impressionnant devant et derrière la caméra, House of Cards confirme l’intérêt porté à la télévision par les cadors du cinéma. Enfin, pas tout à fait à la télévision dans ce cas-ci, puisque House of Cards, projet initié par David Fincher en personne, est produit par Netflix, plateforme Internet de vidéos à la demande. Laquelle, fait inédit, a proposé tous les épisodes de la première saison en une fois, consacrant un phénomène qui, depuis l’avènement des coffrets DVD et des téléchargements, était devenu courant: le binge watching, ou la possibilité d’avaler des tas d’épisodes à la suite.
La phrase qui donne envie: « Comme toujours chez David Fincher, c’est une imagerie très nette et un peu froide qui domine House of Cards, dont la mise en scène est clairement centrée sur le spectacle de la grandiose pléiade d’acteurs. »
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