Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

AU CROISEMENT DES RUES ANNEESSENS ET ‘T KINT À BRUXELLES, ROEL KERKHOFS A IMAGINÉ UN MUSÉE TEMPORAIRE EN COLLABORATION AVEC LES HABITANTS DU QUARTIER.

MUSEE-MUSEUM

ZSENNE-ARTLAB, 2, RUE ANNEESSENS, À 1000 BRUXELLES. JUSQU’AU 31/08.

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Depuis début août dans le downtown bruxellois, un monolithe de bois se dresse à l’endroit où la rue Anneessens croise la rue ‘t Kint. Il s’agit d’une porte au-dessus de laquelle on peut lire l’inscription « MUSEE-MUSEUM ». Au-delà de ce seuil? Un musée dans l’espace public dont « les logements sont considérés comme les archives et les habitants comme les archivistes« . On doit ce projet à l’artiste Roel Kerkhofs, par ailleurs déjà auteur d’une proposition semblable, Propositions pour un monument (platform n. 02), sur une petite place oubliée de Saint-Gilles. But de la manoeuvre? « Parvenir à une réponse artistique par l’interaction et la conversation » mais aussi « étudier l’importance actuelle de l’image visible en privé« , selon l’initiateur de MUSEE-MUSEUM. En clair, à l’aide d’affiches, de lettres, de discussions et de partenaires -les graphistes de Dear Reader, Ouest architecture, l’historien Emmanuel Guise et l’écrivain Tina Ameel-, Kerkhofs veut convaincre les habitants du quartier de « nourrir le musée temporaire » à travers les représentations dont ils ornent leur domicile. Figurines de porcelaine, tableaux, affiches aux couleurs vives, photos encadrées, tapis d’ornement, dessins crayonnés sur le frigo… Tout est susceptible de trouver sa place dans cette collection éphémère d’un nouveau genre qui devrait déboucher sur la création d’un livre. Pour Roel Kerkhofs, nulle image dont on garnit sa maison n’est insignifiante. « L’important dans ce projet est le processus… Il est facile de concevoir une oeuvre seul dans son coin avec un résultat plus ou moins heureux. Ici, l’idée est autre: imaginer quelque chose ensemble, en surmontant les résistances, ce qui s’apparente à une véritable aventure. Le message n’est pas « on est tous un peu des artistes », il s’agit au contraire de confronter des gens qui ne le sont pas à une démarche artistique en montrant que même s’ils ne comprennent pas tout -qui le peut?- une telle entreprise apporte du sens à l’existence. »

Généalogie

Qu’est-ce qui se cache derrière cette intervention dans l’espace public? « Avant tout un travail de deux années« , explique Kerkhofs. Deux années pendant lesquelles l’artiste a ruminé son projet. Ce n’est pas tout: trois images et un texte hantaient l’artiste néerlandophone. Ainsi d’une photographie d’André Malraux dans un salon. « On le voit avec des dizaines d’images à ses pieds, ce sont des reproductions d’oeuvres d’art censées prendre place dans son fameux musée imaginaire« , poursuit Roel Kerkhofs. La référence n’est pas étonnante quand on sait que Malraux imaginait, grâce à la photographie, pouvoir disposer des oeuvres de toutes les civilisations… Ce qui n’est pas sans faire écho à MUSEE-MUSEUM, en prise directe sur un quartier multiculturel, susceptible d’ouvrir sur une intéressante diversité. Autres images ayant un rôle décisif dans le projet, Kerkhofs montre une vue de la gare du Nord ainsi qu’une porte située à l’intérieur d’une église de San Salvador au Brésil. Deux photographies de « seuils » qui ont inspiré directement l’entrée de MUSEE-MUSEUM, celle-ci servant de « stratégie pour engager la conversation avec les passants et les amener à participer au projet« . Le texte, quant à lui, est signé de la main d’Annemarie Sauzeau Boetti, la femme d’Alighiero (e) Boetti, l’artiste italien de l’Arte Povera. Le récit revient sur un épisode de sa vie lors duquel il remarqua une image -un astronaute et un vaisseau spatial- suspendue au mur d’un intérieur afghan dépourvu de meuble. Anecdote qui lui fit comprendre que ce que l’on accroche au mur n’est jamais innocent. A méditer.

HTTP://MUSEEMUSEUM.BE

MICHEL VERLINDEN

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