ASSOCIÉ À SA PERCUSSIONNISTE ISOLDE LASOEN, DAAN EMBAUCHE LE VIOLONCELLISTE JEAN-FRANÇOIS ASSY POUR RECONQUÉRIR SES PROPRES CHANSONS DANS UN SIMPLE BEST OF AVENTUREUX ET ÉPANOUI. SUR SCÈNE, PARTOUT, TOUT DE SUITE.

On avait cru comprendre que Daan avait « unpluggé » une sélection de ses chansons pour un Best Of hors normes. On se pressait donc d’entendre ses cadavres exquis, imaginés en petites choses dénudées par le souffle d’instruments à poils. D’où la surprise du premier titre, l’un des 2 inédits, Protocol, évoquant Ennio Morricone revu par Daan Spector: un chant glorieux décolle sur une musique épique. La suite est moins emphatique ( cf. encadré) mais l’impression est persistante: ce trio-là a emmené les anciennes chansons en cabine d’essayage, y abandonnant make-up, synthés érectiles et plans pastiches. Loin des envolées Botox qui dissimulaient auparavant les rides des textes, ce Simple fait impression. C’est aussi l’aboutissement d’un artiste, Daan Stuyven, 41 ans et 2 enfants, qui a envie de se retourner sur un premier chapitre à succès. Cinq albums solos studio parus entre 1999 et 2009, dont le dernier, Manhay, vendu à 35 000 exemplaires. Vedette en Flandres, davantage underground côté francophone, le Louvaniste de Berchem devenu Bruxellois ayant une maison secondaire en Ardennes est un talent majeur du confetti belge. La musique a changé, pas la résidence d’Ixelles, partagée telle un gâteau à 2 étages, entre la crème fouettée du premier -habitat privé- et le charbon du vaste rez-de-chaussée aménagé en local de répétition. Vu le taux de nicotine ambiant, cette rencontre a tout de la plongée dans l’appareil respiratoire de Daan, « chain smoker » impénitent. Le décor évoque l’invraisemblable panoplie d’instruments d’un magasin de musique, transformé en discothèque à boules tournantes au plafond et néon rose-orange garantissant aux visiteurs un look de l’espace.

Vibraphone et violoncelle

 » Je n’avais pas envie d’un Best Of classique même si j’adore mes disques originaux: ils me font bien sentir les époques. Là, j’ai voulu faire ressortir les qualités mélodiques des chansons, leurs émotions. J’avais également envie de faire rêver. » A la guitare électrique ou derrière un élégant piano à queue, Daan donne le ton, mais celui-ci est avalé, vampirisé et enrichi par Isolde et Jean-François. La première, jolie Gantoise de 30 ans, est à la batterie avec Daan depuis 2002. Musicienne de formation classique, elle a aussi fait école  » dans des fanfares » et en compagnie des disques d’Elvis du grand frère:  » Dans ce projet, je joue de différents instruments, notamment du vibraphone, qui est très mélodique, complexe et amène une façon complètement différente de faire de la musique. » Comme Isolde, le violoncelliste Jean-François a noté les grilles d’accords des chansons que Daan lui chantait, à la guitare ou au piano. Son superbe cello, un Belge des années 1850, est entouré de racks bidouilleurs et de pédales. Les graves naturels du bois s’accompagnent de boucles fines qui se mêlent aux accords de Daan en une fusion sensible. Assy, 35 ans, a déjà un CV substantiel d’où ressort une collaboration prolongée avec Bashung, l’apiculteur du rock français qui faisait fructifier le talent individuel dans ses retranchements. Daan adopte une méthode plus homéopathique mais pas moins exigeante:  » J’ai rencontré Jean-François à un concert de Bobbejaan Schoepen, on a bu une bière et on a décidé de tenter une répétition, un essai à 3, avec Isolde. J’aimais assez l’idée qu’un « étranger » comme Jean-François découvre les chansons qu’Isolde et moi ne connaissions que trop bien. Et puis l’amour que quelqu’un a pour son instrument veut dire beaucoup: on joue comme on est. C’est une façon de voir si on est compatibles parce que l’on va passer des centaines d’heures et des milliers de kilomètres ensemble… « 

Simple agit aussi comme un cataplasme où la voix très en avant de Daan met du baume aux chansons:  » J’avais envie d’être plus franc, jamais auparavant je n’aurais eu envie de mettre ainsi ma voix devant, à nu. Il y a un désir de sincérité: avec l’âge, on apprend d’autres choses, les priorités changent, mais ce sont des émotions, pas des conclusions. » Avec des intonations qui rappellent la joie sépulcrale de Johnny Cash, Daan croone, mais sans épanchement américain. S’il y a une mélancolie qui sourde dans l’album, elle est européenne. Tout comme l’ironie qui graisse la plupart des chansons: Drink & Drive (…) ou le plus  » limite crapuleux » Wifebeater sont de l’anti-politiquement correct qui fait du bien. Des doses mesurées de soude caustique qui font bouillir les musiques, plus sereines. Avant l’enregistrement -bouclé en une semaine de septembre dans les Ardennes-, le chanteur a beaucoup écouté le Brodsky Quartet ou le Balanescu, ensembles qui dépoussièrent le classique. Quarante-huit heures après la rencontre à domicile, on retrouve le trio à Flagey: en posant pour une photo dans le somptueux Studio 4 art déco, Daan a un sourire plus proche de Jack Nicholson que de Bach. Un signe que l’homme ne sera jamais Simple.

EN CONCERT DE NOVEMBRE À AVRIL EN BELGIQUE, LES 17 ET 18 DÉCEMBRE AU KVS À BRUXELLES, LE 25 JANVIER AU THÉÂTRE ROYAL DE NAMUR, LE 3 FÉVRIER AU FORUM DES PYRAMIDES DE WELKENRAEDT, LE 15 AVRIL AU CC DE LIBRAMONT.

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TEXTE PHILIPPE CORNET

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