The Bug Club, l’oiseau rare de la scène galloise
Entre des Moldy Peaches sous vitamines et des Modern Lovers sans claviers, The Bug Club est l’irrésistible fer de lance de la jeune scène rock galloise.
Des potes qui font de la musique pour tromper l’ennui. L‘histoire de The Bug Club est d’une banalité universelle. Sam Willmett et Tilly Harris, dont les voix se répondent à la ville comme à la scène, se sont rencontrés sur les bancs de l’école à 14 ans. Ils ont commencé à jouer de la musique et, comme le lapin Duracell, n’ont jamais réussi à s’arrêter. Sam et Tilly viennent de Caldicot. Un de ces trous perdus où les journées sont longues. Un patelin paumé de 10 000 âmes surmonté de son château médiéval. Le tout dans le pays de Galles rural. Le pays de Galles. La jonquille. Le poireau. Ryan Giggs, Gareth Bale. La bête noire des Diables Rouges. Puis aussi une vraie place dans l’Histoire amoureuse de la musique. Merci à Mclusky et aux Young Marble Giants, à Cate Le Bon et aux Super Furry Animals…
“On avait les mêmes amis, les mêmes centres d’intérêt, et on s’est rencontrés au cours de musique en plus. Vraiment trop cliché…” Tilly se marre. À l’époque, son comparse s’intéresse surtout aux vieux guitaristes de blues, ce qui n’est pas trop son monde à elle. “En même temps, les gens de notre âge baignaient dans la musique populaire de l’époque. Alors que moi j’écoutais des vieux trucs. De la soul, du punk…” Aussi bien anglais qu’américain. Avec une préférence tout de même pour le new-yorkais. “On est définitivement dans le même genre de trucs, embraie Sam. On en pince pour les Replacements, Jonathan Richman, Daniel Johnston aussi. Dépouillé, pas très compliqué.” Les Moldy Peaches également, qu’ils ont d’ailleurs été voir en concert à Londres récemment. “C’était super. On adore. Ça se ressent en partie dans ce qu’on fait et on leur est souvent comparés. Mais on n’a jamais essayé d’imiter ou de copier qui que ce soit. Au contraire, on a plutôt tendance à abandonner ce qui ressemble trop à d’autres.”
Sam a fait la connaissance de Dan Matthew, leur batteur, à Bristol, quand il est parti, comme lui, étudier la musique à l’université. Il ne s’est pas éternisé. Et Tilly, qui s’était elle lancée dans des études de comédie, a détesté et arrêté après trois mois. “Quand tu es dans un bled paumé comme le nôtre, il n’y a pas des tonnes de musiciens dans le coin. Et donc, on ne connaissait pas de batteur avant de rencontrer Dan. C’est le premier qu’on a trouvé.” Éclats de rire à nouveau. Ça se voit sur leurs gueules, ça s’entend dans leurs textes: ces trois-là ont le sens de l’humour. “Je suis très immature en la matière, avoue Tilly. J’aime l’humour de toilettes. Il n’y a rien de plus drôle qu’un pet… Tu sais, au pays de Galles, tu ne peux pas vraiment prétendre être celui que tu n’es pas. Ceux qui se la jouent un peu, qui friment et font les mystérieux, les gens les remettent tout de suite à leur place et les invitent à arrêter leurs conneries.”
Fraîcheur et spontanéité
The Bug Club donnait des concerts quand la pandémie a frappé la planète, mais il n’avait encore rien mis en boîte. “Une fois que le virus est arrivé, comme on ne pouvait pas se produire en public, on a beaucoup enregistré.” Son premier EP, Launching Moondream One, est ainsi né pendant le confinement. Sam et Tilly habitent toujours entre Newport et Cardiff et Dan vit à Birmingham. Ça n’a pas toujours été facile à gérer. “Pendant toute une période, on ne pouvait pas traverser la frontière entre l’Angleterre et le pays de Galles”, raconte le batteur. “D’ailleurs, quand on a fait des photos promo, on a dû te mettre dans un cadre sur le mur”, ponctue Tilly. The Bug Club a ensuite profité de chaque ouverture et saisi toutes les occases. “On n’avait pas de manager. Mais on a réussi à se trouver un label, résument-ils d’une voix. L’industrie du live était à l’arrêt mais les maisons de disques pouvaient continuer à avancer. On a signé chez Bingo Records à Sheffield. Une petite structure à trois têtes.” Une conjoncture favorable, renforcée par le soutien de Marc Riley sur BBC Radio 6 et une participation remarquée au festival End of The Road… “Riley a sauté sur la première chanson qu’on a sortie. Il passait déjà notre single We Don’t Need Room for Lovin’. Je consignais le nombre de passages, mais j’ai fini par arrêter tellement c’était récurrent. Il a même acheté l’EP.”
Infatigable, The Bug Club a depuis enchaîné les sorties, balançant avec une nonchalance joyeuse une méchante collection de chansons expéditives, incroyablement irrésistibles qui trottent dans la tête et collent à l’oreille. The Fixer, If My Mother Thinks I’m Happy, Only in Love, It’s Art… Le cœur des trois rigolos balance entre le punk, l’anti-folk et la power pop. Deux minutes généralement chrono en main. Les plus courtes sont les meilleures. “On n’est que trois. On est limités en termes d’instruments. Et tu peux vite devenir ennuyeux. Rien que pour toi déjà. Nous, on a décidé de toujours supprimer le superflu, de rester à l’os. Ça ne sert à rien de se branler sur son instrument, de s’appesantir et de jouer la montre.”
Jonathan Richman, Lou Reed, Gordon Gano, Kimya Dawson et Adam Green, sortez de ces corps. Les Bug Club sont vos gosses cachés. Des héritiers légitimes qui brillent par leur spontanéité. “Je pense qu’il est important dans la création d’être en symbiose avec sa nature, poursuit Tilly. Tu ne dois pas gamberger. Les choses doivent te venir naturellement. Il faut se libérer de son embarras, de sa gêne, de ses hontes… Quoi qui te vienne à l’esprit, vas-y. Fonce. Tente. On ne réfléchit pas trop aux choses. Ce qui se passe dans nos têtes sort par nos bouches.”
Pure Particles et Green Dream in F# avaient été enregistrés dans le studio de Tom Rees, le chanteur de Buzzard Buzzard Buzzard. L’un des hubs de la scène rock galloise. Le jouissif Rare Birds: Hour of Song ne déroge pas à la règle. Il est composé de 24 morceaux et de 23 intermèdes. “C’est un double album. On en est très contents. Comme à chaque fois, on pense que c’est la meilleure chose qu’on ait faite jusqu’ici. On avait beaucoup de chansons. On ne voulait pas que les gens s’ennuient. Ça nous amusait de jouer avec ces interludes. Il y a un petit bouquin qui va avec et qui illustre l’histoire. Ben Hall, de notre label et du groupe Mr Ben & The Bens, a géré tout l’aspect visuel. C’est un mec très intelligent. Il fait de la poterie aussi. Il est vraiment bon. Ça fait un cool package.”
Rare Birds: Hour of Song ****, distribué par Bingo Records.
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