The Big Sick, du rire au drame

Kumail Nanjiani dans The Big Sick © Nicole Rivelli
Nicolas Clément
Nicolas Clément Journaliste cinéma

Étoile montante du stand-up US aux racines pakistanaises, Kumail Nanjiani se raconte dans une comédie douce-amère produite par Judd Apatow où sa vie sentimentale clopine au gré des contradictions de sa double identité culturelle.

Kumail et Emily s’aiment. Mais le premier cache l’existence de la seconde à ses parents pakistanais particulièrement portés sur la tradition et gâche l’affaire. Jusqu’au jour où Emily tombe sérieusement malade. Situation extrême qui aura le don de les rapprocher à nouveau… Cette histoire, son histoire, l’humoriste Kumail Nanjiani commence à l’écrire seul, puis avec l’aide de celle qui est toujours sa compagne, Emily V. Gordon. « Je savais que je voulais raconter cet épisode de ma vie mais j’ignorais comment m’y prendre. Il s’agissait d’un matériau trop lourd pour l’intégrer à un spectacle de stand-up. Sur une scène, vous vous devez d’être drôle en permanence. Il est donc malvenu de débarquer avec un récit où une jeune femme se trouve plongée dans un coma profond (sourire). Le format film, au contraire, s’accommode parfaitement de cet équilibre très particulier entre le drame et la comédie. »

Né à la fin des années 70, Kumail Nanjiani vit et grandit à Karachi, la plus grande ville du Pakistan. Ce n’est qu’à l’âge de 18 ans que le garçon débarque dans l’Iowa, où il étudie la philosophie et l’informatique. Amusé, il raconte volontiers que, pour le préparer à ce nouveau départ aux États-Unis, ses parents décident un jour de lui montrer le film The Silence of the Lambs avec Jodie Foster. Étrange passeport vers une autre vie qui conditionne peut-être ce qui deviendra bientôt l’une de ses marques de fabrique: un amour dévorant pour la culture pop -des vieux films d’horreur et de science-fiction aux jeux vidéo en passant par les comic books ou les séries télé. Ce fan inconditionnel de Jerry Seinfeld et Zach Galifianakis confesse aussi un faible pour les comédies romantiques. C’est d’ailleurs le fameux discours de Hugh Grant en témoin de marié dans Four Weddings and a Funeral qui lui a pour la première fois donné l’envie de raconter des blagues en public. « En un sens c’est du stand-up, oui. J’aime le fait qu’il soit drôle dans cette séquence mais aussi nerveux et mal assuré. C’est exactement comme ça que je me sentais quand j’ai commencé à monter sur scène. Et plutôt que de tenter de camoufler cette nervosité, j’ai préféré l’afficher ouvertement et en jouer. Aussi étrange que ça puisse paraître, ce film a exercé un rôle déterminant dans ma construction en tant que comique. »

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Humour longue durée

Invité récurrent de la série Portlandia, Nanjiani explose récemment au petit écran en souffre-douleur nerd sans foi ni loi dans Silicon Valley sur HBO. C’est encore ce versant geek qu’il exploite aujourd’hui, au scénario mais aussi devant la caméra, dans The Big Sick, comédie dramatique qui se double d’une love story aux accents très (trop) gentillets et aux émotions très (trop) surlignées. S’y dévoilant sous un jour pas toujours très avantageux, Nanjiani décrit le processus d’écriture et le film lui-même comme « cathartiques et thérapeutiques« , même si ceux-ci ne l’ont pas aidé à en finir avec la culpabilité et même l’humiliation constitutives de son parcours d’homme et d’artiste. Soit un moteur commun à tous ceux, ou presque, qui ont un jour décidé de faire de l’humour leur valeureux gagne-pain. C’est en tout cas l’une des thèses développées dans la très belle série consacrée au stand-up West Coast des seventies, I’m Dying Up Here, dont la première saison tire ces jours-ci sa révérence sur Showtime dans une indifférence générale tout à fait incompréhensible. « Il est très difficile d’écrire à propos de soi, tout simplement parce qu’il est impossible d’être objectif par rapport à ce que l’on vit. Tout vous semble important à raconter, alors que pas du tout. Le premier brouillon au bout duquel nous sommes arrivés aurait probablement donné un film de 3 heures 30. C’est une erreur de penser que tout ce qui fait sens pour vous fait également sens pour le spectateur. Faire confiance à son public, c’est aussi miser sur le fait qu’il vous comprenne et vous accompagne sans avoir besoin de tout lui raconter. »

Kumail Nanjiani et Zoe Kazan  dans The Big Sick
Kumail Nanjiani et Zoe Kazan dans The Big Sick© Nicole Rivelli

À l’arrivée, The Big Sick affiche une durée de près de 2 heures. Ce qui reste plutôt long en matière de comédie… « C’est ce que j’aime dans les films de Judd Apatow, justement. Funny People avoisine les 2 heures 30. Et ses autres titres dépassent quasi systématiquement les 120 minutes. C’est quelque chose qui lui a été reproché à plusieurs reprises. À tort. L’une des clés du cinéma de Judd réside en effet dans cette volonté de faire exister le point de vue de chacun des personnages présents à l’écran, et de leur donner à tous une véritable épaisseur. Cette dimension doit forcément s’inscrire dans une certaine durée. La plupart des comédies hollywoodiennes me semblent vraiment très light aujourd’hui. Elles ne prennent la peine de développer qu’une paire de protagonistes, entourés de quelques pions conditionnés par de simples questions de narration. Il suffit de regarder les titres de ces films: la plupart du temps, ils synthétisent intégralement l’intrigue qui s’y joue (sourire). »

The Big Sick. De Michael Showalter. Avec Kumail Nanjiani, Zoe Kazan, Holly Hunter. 1h59. Sortie: 09/08. ***

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