Conte macabre, Weapons, le nouveau film de Zach Cregger, raconte l’histoire de 17 écoliers qui subitement, la même nuit, quittent leur lit et courent dans l’obscurité. Pour aller où?
Weapons
Film d’épouvante de Zach Cregger. Avec Julia Garner, Josh Brolin, Benedict Wong, Alden Ehrenreich. 2h09.
La cote de Focus: 3,5/5
Une nuit, dans une petite ville de Floride, 17 enfants d’une même classe se lèvent de leur lit et quittent leur foyer. Les caméras de surveillance ont capturé des images lugubres et incompréhensibles: les enfants courent frénétiquement, les bras tendus, en direction de l’obscurité opaque. Mais où sont-ils allés?
Entre le conte macabre et le récit choral, Weapons s’impose comme un ambitieux film d’épouvante qui se distingue par sa narration polyphonique. Décomposé en chapitres, le récit s’arrime successivement au point de vue de différents personnages, plus ou moins proches de la tragédie. De l’institutrice désemparée au père éploré, en passant par un camé qui découvre par mégarde un indice essentiel, le récit accumule astucieusement les couches narratives et se transforme en étonnant millefeuille horrifique. Scénariste de talent, le réalisateur Zach Cregger donne vie à chacun de ses personnages, et s’amuse avec des détours narratifs improbables et des visions oniriques angoissantes.
Malheureusement, aussi prometteuses soient ses prémices, Weapons finit par se prendre un peu les pieds dans le tapis lorsqu’il s’agit de dévoiler les clés de son intrigue. Les deux derniers chapitres renvoient ainsi le film à quelque chose de plus conventionnel, presque cliché, dilapidant le mystère initial avec des révélations trop exhaustives.
Reste la question de la thématique. A ce titre, si le film semble en apparence assez gratuit, la symbolique usée par Cregger laisse en réalité peu de place au doute: une classe d’écoliers disparaissant du jour au lendemain, la vision impromptue d’une carabine automatique AR-15 survolant les villas luxueuses, le terme «weapons» (armes) utilisé à tort et à travers. Derrière ses allures de train fantôme à la résolution grotesque, le film pourrait bien renfermer une métaphore plus subtile sur la violence qui sommeille dans la société américaine… à moins qu’elle soit réveillée depuis longtemps?
A voir également cette semaine
Brief History of a Family
Thriller de Jianjie Lin. Avec Zu Feng, Xilun Sun, Ke-Yu Guo. 1h40.
La cote de Focus: 4/5
Wei et Shuo sont camarades de classe. Ils ont le même âge, sont tous les deux fils uniques, mais n’ont ni le même caractère ni les mêmes origines. Le premier vient d’une famille aisée, qui semble vivre en autarcie dans une résidence hypersécurisée. Le second, plus studieux, et sûrement plus déterminé, vit seul avec son père veuf. Entre les deux garçons naît une étrange relation, qui va amener Shuo à entrer par effraction dans la famille de Wei. Petit à petit, il s’installe dans l’appartement comme dans le cœur des parents de Shuo, qui vont se retrouver à projeter sur lui tous les espoirs déçus par leur «autre» fils. Avec ce premier long métrage d’une grande exigence formelle, à la réalisation foisonnante bien que parfois un peu ostentatoire, Jianjie Lin a imaginé un thriller familial redoutablement efficace qui semble observer au microcosme une famille chinoise moderne, encore marquée par la politique de l’enfant unique qu’il faudrait réussir à tout prix.
A.E.