Truffaut, en toutes lettres
Un recueil rassemble la correspondance du cinéaste avec divers écrivains, de Jean Cocteau à Ray Bradbury en passant par Jean Genet. Éclairant.
“ Faire un film ou écrire une lettre, ce n’est pas tellement différent.” Empruntée à une conversation qu’avait eue François Truffaut avec Serge Daney, Jean Narboni et Serge Toubiana, la citation qui ouvre cette Correspondance illustre la passion que nourrissait l’auteur des 400 coups pour l’art épistolaire. Pour preuve, les 122 boîtes d’archives, plusieurs milliers de lettres envoyées ou reçues conservées à la Cinémathèque française. Un “ océan de missives” dans lequel Bernard Bastide, docteur en études cinématographiques et audiovisuelles de l’Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3 qui a dirigé cette édition, a privilégié la correspondance littéraire.
Le jeu des quatre familles
Courant de 1948, date d’une première lettre de jeune cinéphile à Jean Cocteau, dont il sollicitait la présence au ciné-club où il présentait Le Sang d’un poète, à 1984, année de sa disparition prématurée, c’est le goût commun du réalisateur du Dernier métro pour le cinéma et la littérature qui irrigue ces pages. Manière d’éclairer la personnalité du cinéaste, tout en embrassant une large part de son parcours professionnel.
Bernard Bastide distingue quatre familles dans cet abondant corpus, classé de manière chronologique: les pères fondateurs d’abord, où figurent Jean Cocteau, avec qui les échanges se poursuivront, Jacques Audiberti, ou encore Jean Genet, avec qui il correspond de manière suivie jusqu’au 24 novembre 1962, date d’un mot en forme de rupture lapidaire et définitive: “ Laissez monter à votre tête toute la gloriole rigolote que vous voudrez, mais lâchez les mauvaises manières, François (…)” -ce qui n’empêchera du reste pas Truffaut de le tenir pour l’une de ses plus belles rencontres. La seconde famille est celle des auteurs célèbres, les Henry Miller, Marguerite Duras, Elie Wiesel, Georges Simenon ou autre Romain Gary, avec lesquels François Truffaut échange épisodiquement. Une troisième réunit ceux dont le cinéaste encourage les premiers pas: Serge Rezvani, qui deviendra un proche après Jules et Jim, ou le romancier liégeois Bernard Gheur, qui consacrait récemment à leurs échanges Les Orphelins de François. Enfin, une quatrième famille réunit les écrivains dont François Truffaut entreprit d’adapter les écrits, projets aboutis ou non d’ailleurs, ces pages n’étant pas exemptes de doutes ni de tâtonnements. Henri-Pierre Roché ( l’auteur de Jules et Jim, mais aussi de Les Deux Anglaises et le Continent), David Goodis ( Tirez sur le pianiste!) et Ray Bradbury ( Fahrenheit 451) comptent parmi ceux-là, la correspondance avec ce dernier surtout se révélant passionnante, qui accompagnera le projet tout au long de ses aléas. Soit un témoignage précieux sur la démarche créative d’un artiste qui, non content d’être un cinéaste majeur, était aussi “ un épistolier compulsif” .
François Truffaut. Correspondance avec des écrivains (1948-1984).
édition établie par Bernard Bastide, éditions Gallimard, 528 pages.
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