The Agency, remake du Bureau des légendes: pourquoi Hollywood s’inspire toujours plus des séries françaises

The Agency, le remake US du Bureau des légendes, prouve une fois de plus l’attrait d’Hollywood pour les séries françaises et européennes. © DR
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Après avoir revisité HPI et en attendant le tour de Vortex, Hollywood a réussi son remake du Bureau des légendes. Ou quand les séries françaises s’américanisent…

The Agency

Be Series et Be à la demande

Série d’espionnage de Jez Butterworth et John-Henry Butterworth, avec Michael Fassbender, Richard Gere, Jeffrey Wright. 10 épisodes de 52 minutes. A partir du 6 septembre.

La cote de Focus: 3,5/5

De retour à Londres après une mission de six ans en Afrique où il est tombé amoureux d’une universitaire soudanaise, l’agent infiltré de la CIA Brandon «Martian» Colby (Michael Fassbender) a du mal à laisser sa dernière couverture derrière lui. Une situation qui met sa carrière et sa vie en danger. Adaptation américaine du Bureau des légendes, The Agency est un remake luxueux et efficace de sa grande sœur française. Pour les fans de la série créée par Eric Rochant, l’intérêt restera fort relatif et le suspense émoussé (par moments, c’est même du plan par plan). Mais plus chic et nerveux, agrémenté d’un casting haut de gamme, The Agency assume avec élégance ses différences culturelles. Jusqu’à évoquer le travail d’un Michael Mann. Dix épisodes léchés, dans leur genre de haute qualité, qui tiendront surtout en haleine ceux qui y sont arrivés sans savoir où ils mettaient les pieds.

Créée par le cinéaste et scénariste Eric Rochant (Un monde sans pitié, Les Patriotes, Möbius) qui s’était déjà essayé au format en réalisant plusieurs épisodes de Mafiosa, Le Bureau des légendes a bénéficié d’une reconnaissance internationale inattendue. Encensée par la presse et maintes fois récompensée, la série a durablement marqué les esprits en France. A tel point que «depuis 2018, les métiers du renseignement attirent de plus en plus les jeunes, grâce au succès du programme de Canal+, sur lequel la Direction générale de la sécurité extérieure n’hésite pas à s’appuyer», avançait le journal Le Monde en 2021. Le Bureau des légendes est aussi étonnamment devenue la série française la plus streamée hors de l’Hexagone et s’est hissée à la troisième place du Top 30 des séries étrangères de la décennie établi en 2019 par le New York Times. Juste derrière Hatufim, la fiction israélienne qui a inspiré Homeland, et Sherlock, relecture moderne des aventures de ce cher monsieur Holmes…

Si le quotidien américain qualifiait Le Bureau des légendes de «série d’espionnage probablement la plus intelligente et la plus crédible au monde», cela faisait déjà deux ans à l’époque qu’un remake hollywoodien était en cours de développement. Ce n’est rien de dire que The Agency, diffusée à partir du 6 septembre sur BeTV, a mis du temps à sortir de terre. Elle n’est apparue qu’en novembre 2024 sur les écrans américains

Secrets, mensonges et faux-semblants… Le Bureau des légendes, qui a tenu les téléspectateurs en haleine pendant cinq saisons (2015-2020), raconte les coulisses de la DGSE, et plus précisément du service qui encadre et forme les agents clandestins. Ces hommes et ces femmes envoyés à l’étranger sous de fausses identités pour repérer des cibles, les localiser et les étudier afin de les recruter comme informateurs quand il ne s’agit pas de les neutraliser.

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Bling-bling

Bye-bye Mathieu Kassovitz, Jean-Pierre Darroussin et la DGSE. Bonjour Michael Fassbender, Richard Gere et la CIA. The Agency reprend l’intrigue du thriller français mais l’américanise et l’adapte à l’actualité. Comprenez aux nouvelles réalités géopolitiques mondiales. A commencer par la guerre en Ukraine.

«Dotée d’une d’écriture et d’une fabrication hiérarchiques inspirées des writing rooms américaines, Le Bureau des légendes a contribué à casser l’imagerie hexagonale d’une profession souvent tournée en ridicule», écrivaient Les Inrockuptibles. The Agency tient en ce sens du retour à l’envoyeur.

En 2017, le magazine Variety annonçait qu’Eric Rochant superviserait l’adaptation. Mais le créateur de la série originale n’a pas participé au remake. Ni pour le scénario, la production ou la réalisation. Il n’est d’ailleurs même pas crédité au générique et expliquait voici quelques semaines à Radio France ne pas avoir vu l’adaptation US. Ce sont les producteurs Alex Berger et Pascal Breton qui ont joué les gardiens du temple, supervisé l’adaptation et accompagné les Américains pour s’assurer qu’ils en avaient bien compris tous les ressorts. Produite par Showtime et un certain George Clooney, la version US s’est davantage concentrée sur la présence des Etats-Unis dans le monde et sur l’héritage du film d’espions hollywoodien. Sans tomber dans le moule James Bond ou Jason Bourne non plus, elle a voulu une série plus rythmée et bling-bling.

Le Bureau des légendes était diffusée sur une petite chaîne câblée outre-Atlantique. The Agency en est un clone à grands moyens. Et ça fonctionne. Diffusés sur Showtime et Paramount+ aux Etats-Unis, les deux premiers épisodes de la série ont attiré 5,1 millions de téléspectateurs, soit le meilleur démarrage pour une série de l’histoire de la chaîne Showtime (Dexter, Shameless…). Une saison deux a d’ailleurs d’ores et déjà été officialisée.

Le remake permet d’atténuer la prise de risque avec des œuvres qui ont fait leurs preuves.

French touch

The Agency n’est pas la première série française à avoir été récupérée par Hollywood. The Returned, le remake des Revenants, a été diffusée en 2015 sur Netflix. Et High Potential, la version américaine de HPI, est sortie sur Disney+ le 23 janvier dernier. Le phénomène n’est pas près de s’enrayer. Après les nombreuses grèves de scénaristes et d’acteurs qui ont ébranlé l’industrie du divertissement aux Etats-Unis ces dernières années, la télévision américaine a décidé d’acquérir plusieurs programmes français pour muscler ses propositions. Et les séries policières bleu-blanc-rouge ont plutôt la cote.

Polar fantastique emmené par Tomer Sisley, Vortex a par exemple été repérée par la société de production Keshet Studios, qui a acheté les droits d’adaptation à France Télévisions. En France, elle avait rassemblé 4,6 millions de téléspectateurs. Astrid et Raphaëlle aura bientôt droit, elle aussi, à sa version anglo-saxonne. En août 2023, le producteur de la série phare a annoncé la vente des droits d’adaptation, après d’âpres négociations, pour «une version américaine réalisée par une société anglaise». Le personnage interprété par Lola Dewaere sera incarné par Laura Fraser (Breaking Bad, Better Caul Saul) et l’action se déroulera dans le… Yorkshire.

Cela fait longtemps que le cinéma montre l’exemple. Le remake permet d’atténuer la prise de risque avec des œuvres qui ont fait leurs preuves. Des programmes qui ont déjà affirmé leur pertinence économique et leur potentiel commercial. L’indéniable hausse de qualité des productions françaises, et plus largement européennes, en matière de séries participe également au phénomène. The Bridge et de The Killing sont ainsi des adaptations des séries nordiques Bron et Forbrydelsen. Tandis que la série flamande Cordon, qui raconte l’apparition d’un virus d’origine inconnue à Anvers, a eu droit avec Containment à sa version US et déménagé à Atlanta. Who’s next?

A voir aussi au rayon séries…

Task

Disponible sur HBO Max

Une série de Brad Ingelsby. Avec Mark Ruffalo, Tom Pelphrey, Emilia Jones. 7 épisodes d’environ une heure.

La cote de Focus: 4/5

Dans la périphérie de Philadelphie, un ancien prêtre devenu agent du FBI (inspiré par l’oncle du showrunner et incarné par Mark Ruffalo) pleure la mort de sa femme tuée par leur fils adoptif. Alors que le jeune homme a été écroué en attendant d’être jugé, Tom Brandis, qui tente tant bien que mal de garder le reste de sa famille unie, est invité à reprendre du service sur le terrain et à diriger une unité spéciale montée à la va-vite pour démanteler une série de mystérieux cambriolages. La technique est bien rodée. Deux mecs, parfois trois, planqués sous des masques d’Halloween et bien rencardés, font irruption chez des dealers la nuit, les surprennent dans leur sommeil et embarquent le fric. L’enquête va mener les forces de l’ordre sur les traces d’un éboueur père de famille apparemment sans histoire. Créée par Brad Ingelsby, à qui l’on doit entre autres la minisérie Mare of Easttown dans lequel Kate Winslet enquêtait (déjà en Pennsylvanie) sur le meurtre et la disparition d’adolescentes, Task retrace sa traque dans une région populaire et rurale minée par les crises économiques.


Mark Ruffalo

Thriller sobre et profondément humain teinté d’espoir, de remords et de culpabilité réalisé par Jeremiah Zagar et Salli Richardson-Whitfield, Task multiplie les points de vue et semble ne délaisser aucun de ses personnages. Elle raconte les hors-la-loi et les laissés-pour-compte, les gros costauds barbus qui pleurent (Tom Pelphrey d’Ozark), les policiers tourmentés et les enfants livrés à eux-mêmes. Bavard mais pas ennuyeux (une conversation flic-malfrat rappelle le mythique échange verbal entre Al Pacino et Robert De Niro dans Heat), Task bénéficie d’un casting et d’une interprétation impeccables tant chez les flics que chez les voyous. Un jeu du chat et de la souris doublé d’un conte moral quasi philosophique quelque part entre Dope Thief et True Detective.

J.B.

La Mafia tue seulement l’été (saison 2)

Disponible sur Arte.tv

Une série de Pif. Avec Claudio Gioè, Anna Foglietta, Francesco Scianna. 12 épisodes d’environ 50 minutes.

La cote de Focus: 4/5

Septembre 1979. L’été est aussi étouffant qu’interminable en Sicile à l’aube de la guerre des clans la plus sanglante de l’histoire. Elle oppose les Corleonesi de Toto Riina et Luchino Bagarella, «des paysans affreux sales et méchants», aux palermitani de Masino Buscetta, Stefano Bontade alias «le Prince», et Michele Greco dit «le pape», «méchants mais beaux riches et élégants». Etrange, drôle, savoureux et touchant objet télévisuel imaginé par Pierfrancesco Diliberto (Pif) et adapté de son film du même nom (2013), La Mafia tue seulement l’été raconte le quotidien d’une famille sicilienne confrontée au crime organisé dans les années 1970 mais à travers le regard d’un enfant de 10 ans et narré par sa voix d’adulte. A mille lieues de Gomorra, La Mafia tue seulement l’été est à la fois une chronique familiale tendre, humoristique et décalée et un portrait grotesque de mafieux à une période marquée par les attentats, les meurtres et l’influence croissante de la Cosa Nostra dans tous les rouages de la société. Besoin d’une séance de rattrapage? La première saison de cette tragicomédie, hymne à la résistance et à la liberté, est disponible sur la plateforme d’Arte.

J.B.

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