Le réalisateur de Taxi Driver et de La Dernière Tentation du Christ, Martin Scorsese, se fait tirer le portrait dans une passionnante série documentaire. Bio ultime et grande leçon de cinéma.
Mr. Scorsesede Rebecca Miller
Disponible sur Apple TV+
Avec Martin Scorsese, Robert De Niro, Spike Lee… 5 épisodes de 60 minutes. A partir du 17 octobre.
La cote de Focus: 4,5/5
«Il est le maître quand il s’agit d’explorer le côté sombre de la condition humaine. Car ces choses sont en chacun de nous», témoigne à son sujet Leonardo DiCaprio, qui a plus souvent qu’à son tour croisé sa caméra. «Il est fasciné par le côté sombre parce que l’obscurité est fréquemment là où se situe l’honnêteté. Et une part de l’exploration réside, je pense, dans l’expérience», commente plus loin le scénariste et critique de cinéma Jay Cocks. Sommes-nous intrinsèquement bons ou mauvais? Pour Martin Scorsese, ça a toujours été une question de circonstances. L’homme est capable du pire comme du meilleur. Et comme disait l’autre, c’est dans le pire qu’il est le meilleur.
Réalisé par Rebecca Miller (Angela, Maggie a un plan…), fille du dramaturge Arthur Miller et d’Inge Morath, première femme photographe à avoir été acceptée comme membre de l’agence Magnum, Mr. Scorsese brosse un portrait assez exceptionnel et costaud du sulfureux cinéaste américain.
Découpée en cinq épisodes d’environ une heure, cette fascinante et truculente série documentaire se présente sous la forme d’un entretien fleuve avec le principal intéressé (bien que ce soit une multitude d’entretiens d’hier et d’aujourd’hui mis bout à bout), entrecoupé avec beaucoup d’intelligence par des images d’archives (Miller a obtenu un accès libre et exclusif à ses archives privées) et des extraits de films. Des interviews de ses parents, de ses filles, de Spike Lee (qui remercie son asthme), de Brian De Palma et de Francis Ford Coppola. De Steven Spielberg, de Robert De Niro, de Jodie Foster et de Mick Jagger…
Extrêmement musicale, cette biographie qui s’ouvre sur Sympathy for the Devil des Stones, fait longtemps causer Robbie Robertson (The Band) et convie aussi bien Dion que Sonic Youth. Mr. Scorsese raconte l’histoire de sa famille. Son enfance dans le Queens, puis le Lower East Side, dans un quartier gangrené par les mafias. Sa passion et ses débuts dans le cinéma. Sa rencontre avec Roger Corman et les encouragements de John Cassavetes. Il décortique ensuite son œuvre film par film. Quelque part entre la biographie et la leçon de cinéma. La série évoque sa vision du mouvement hippie, le tournage de Woodstock et sa participation au film. Son rapport à la religion (il a failli être prêtre), ses intentions avec La Dernière Tentation du Christ et le foin qu’il a provoqué. Raging Bull, qu’il ne voulait pas réaliser, et Les Affranchis, avec lequel il a créé un nouveau langage…
Documentaire cinéphile, Mr. Scorsese raconte et montre aussi l’obsession, l’autodestruction… Il retrouve le mec qui a inspiré le Johnny Boy de De Niro dans Mean Streets. Et montre l’extrait d’American Boy, portrait documentaire de son ami Steve Prince, dans lequel ce dernier raconte une overdose d’une manière si hallucinante que Tarantino en a fait une scène de Pulp fiction. A ne manquer sous aucun prétexte et parfait pour compléter l’autre documentaire Un voyage avec Martin Scorsese à travers le cinéma américain.
Julien Broquet
Autre série qui fait l’actu
The Chair Company
Disponible sur HBO Max
Une série de Tim Robinson et Zach Kanin. Avec Tim Robinson, Lake Bell, Sophia Lillis. 8 épisodes de 30 minutes.
La cote de Focus: 3,5
Alors qu’il vient d’intervenir en public pour présenter un ambitieux projet immobilier qui lui tient à coeur, William Ronald Trosper se retrouve les quatre fers en l’air et décide, humilié, de contacter la société qui a fabriqué sa chaise. Le père de famille frustré va rapidement se retrouver à enquêter sur une grande conspiration. Humoriste, acteur et scénariste américain apparu en 2012 sur le plateau du talk show Saturday Night Live, Tim Robinson y a rencontré le scénariste, producteur et dessinateur Zach Kanin, avec qui il allait créer la série Detroiters et les sketchs flirtant en permanence avec le malaise d’I Think You Should Leave with Tim Robinson.
Les deux hommes se retrouvent aujourd’hui avec The Chair Company. Une drôle de série absurde et mystérieuse, quelque part entre les frères Coen, Quentin Dupieux et David Lynch. Une comédie bizarre au casting de laquelle s’est infiltré le Ritchie Valens de La Bamba: Lou Diamond Phillips. It’s weird…
J.B.