Titre - Depp v. Heard
Genre - Documentaire
Réalisateur-trice - d'Emma Cooper
Quand et où - Disponible sur Netflix
En trois épisodes tendus, Depp v. Heard entre dans le vif des représentations: l’avènement du premier “procès TikTok” et ces vicissitudes en ligne.
Plus de six semaines d’agonie judiciaire voyeuriste. Voilà ce qu’a été le procès en diffamation intenté par l’acteur des Pirates des Caraïbes à l’encontre de son ex-épouse, l’actrice Amber Heard. Elle l’avait accusé de violences et d’agression, ce fut sa façon à lui de répliquer. Après un premier procès perdu en Angleterre, Johnny Depp récidive dans un tribunal de Virginie, dont les débats vont être télévisés. Ses légions de supporters ont lancé des tirs de barrage incessants: commentaires, mèmes et analyses peu pertinentes, sexistes, sur les réseaux TikTok, Instagram, YouTube et Twitch. L’écosystème des réseaux a accentué la descente aux enfers de Heard, victime expiatoire des mascus.
La série documentaire en trois épisodes d’Emma Cooper (réalisatrice de Epstein’s Shadow: Ghislaine Maxwell) s’articule autour du conflit qui oppose les ex-époux, pour mieux faire le catalogue des représentations générées in vivo sur Internet. Pas question de refaire le match, remporté par Johnny Depp, avant un arrangement plus clément pour Amber Heard, mais de constater comment il a été noyé dans un torrent de bruit, de fureur, de sexisme et de vanité.
Mécanique complexe
Autour d’une disposition symétrique de versions données au tribunal par les deux parties, Cooper greffe sans transition les réactions en temps réel durant et après les audiences. Dans un mélange rendu indigeste par la violence et la disproportion des réactions des apprentis analystes judiciaires -le plus souvent des créateurs de contenus ou quidams avides de clics et de micro-revenus, mais aussi des hordes coordonnées de trolls et de bots programmés pour soutenir Johnny Depp et enfoncer Amber Heard. Outre-Atlantique, certains ont reproché à Cooper l’absence de toute analyse étayée. Pourtant, et surtout dans le troisième épisode, certains éléments clés sont établis: l’agressivité des avocats de Depp, la candeur de ceux de Heard, des preuves accablantes pour l’acteur retoquées malignement par son escouade juridique, et les témoignages de l’actrice qui, contre tout usage habituel, n’ont pas été floutés, laissant la porte ouverte à toutes les spéculations sur sa sincérité.
Tout cela montre comment la mécanique complexe, aveugle et peu visible à l’œil non averti, qui a détruit Amber Heard, et les raccourcis, l’ignorance et les biais ont pesé de tout leur poids. Souvent glauque et brouillonne, mais capable de fulgurances qui éclairent les zones d’ombre d’une violence couverte par la célébrité et ses fascinations, Depp v. Heard reste un exercice d’une troublante acuité, qui montre sans démonstration inutile l’avènement brutal de ce que beaucoup redoutaient de voir après #MeToo: le backlash.
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