La série de la BBC et de CBS King & Conqueror retrace la conquête normande de l’Angleterre et les événements qui ont mené à la bataille d’Hastings. Un divertissement grand public avant tout.
King & Conqueror
Disponible sur Be Séries
Une série de Michael Robert Johnson. Avec James Norton, Emily Beecham, Nikolaj Coster-Waldau. 8 épisodes de 50 minutes. Tous les vendredis à 20h30 dès le 12 décembre.
La cote de Focus : 3/5
King & Conqueror s’ouvre sur une très courte scène de combat filmée au cœur de l’action, façon Game of Thrones mais en noir et blanc, avant de prendre de la couleur en remontant de quelques années le cours du temps. La série retrace les événements qui ont mené à la bataille d’Hastings à travers les destins d’Harold Godwinson et de Guillaume le Conquérant, respectivement interprétés par James Norton (Happy Valley, Grantchester) et Nikolaj Coster-Waldau (un certain Jaime Lannister…). Il est un peu perturbant de devoir écouter les Normands parler anglais et les historiens se délecteront des limites de l’exercice, des erreurs factuelles et des anachronismes. Mais la série reste un honnête divertissement grand public.
Onze économistes le soulignaient encore il y a quelques semaines dans une tribune publiée par le journal Le Monde: «La crise mondiale de l’information représente une grave menace pour la prospérité économique et le progrès humain.» Les médias ne sont pas les seuls responsables. Alors que les fake news pullulent et se propagent à la vitesse de l’éclair, les cours d’histoire eux mêmes se retrouvent souvent manipulés par les pouvoirs en place. Et ce ne sont pas les séries télé qui vont remplacer les bancs de l’école…
Fiction de service public coproduite et diffusée par la BBC, King & Conqueror se penche sur une époque déterminante de l’histoire britannique. «Quand Michael Robert Johnson, le créateur et l’auteur de King & Conqueror, est venu nous pitcher 1066 et la bataille d’Hastings, retrace la productrice Kitty Kaletsky, on a eu du mal à croire qu’elle n’avait jamais été racontée à l’écran. Parce que c’est la naissance de l’Angleterre en tant que nation. Et de bien des manières, le début d’une nouvelle Europe. Dès lors, on s’est dit qu’il fallait se dépêcher de le faire avant que quelqu’un d’autre ne s’en charge. Mike a insisté sur le fait que ça ne pouvait pas juste être l’histoire de Harold Godwinson ou de Guillaume de Normandie, plus tard Guillaume le Conquérant. Ça devait être l’intersection de leurs deux voyages, raconter le fait qu’ils aient été amis et alliés avant de s’affronter. Tout est parti de cette idée: Finissons avec 1066, cette énorme bataille. Et partons sur l’histoire de deux héros. Pas juste d’un.»
Héritage normand
«En Angleterre, on apprend beaucoup sur la bataille d’Hastings à l’école, embraie James Norton, qui incarne le roi Harold à l’écran. 1066 est d’ailleurs la première date de l’histoire qu’on étudie vraiment. De nombreuses choses dans notre langage, notre culture, notre système légal ou encore notre art sont un héritage des Normands. La bataille d’Hastings est un moment incroyablement important de notre histoire.»
L’équipe de King & Conqueror a essayé de coller autant que possible à la réalité. «C’était dans notre intérêt, parce qu’en l’occurrence, la vérité est particulièrement excitante, poursuit l’acteur. On n’avait aucune envie de la manipuler, de la rendre plus sensationnaliste, d’y attacher un agenda ou un manifeste politiques. On voulait créer un formidable divertissement qui rassemblerait les familles. Mais au delà de l’envie de divertir, oui, il y a l’idée d’éduquer, de faire découvrir des choses de l’histoire, de l’époque.» Puis aussi d’y apporter une dimension plus universelle. «King & Conqueror fait le récit édifiant de ce qui arrive quand les hommes –parce que ce sont généralement les hommes– poursuivent leur quête du pouvoir à n’importe quel prix, mettent leur famille et parfois leur pays en danger pour y accéder. C’était malheureusement assez prophétique. C’est ce qu’on voit de plus en plus pour le moment sur cette planète. La série ne juge pas et n’est pas conçue avec un objectif politique. Mais elle dit un récit toujours pertinent aujourd’hui. Ne serait-ce que par le fait que l’histoire aime à se répéter.»
«C’est toujours un challenge que de naviguer pour deviner qui étaient vraiment ces gens.»
«King & Conqueror» entre histoire et libertés
On en sait beaucoup à propos de Guillaume le Conquérant. Nettement moins sur Harold Godwinson. De toute évidence, parce que Guillaume le Conquérant a gagné. Et parce que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. «Celle d’Harold Godwinson se résume pour beaucoup à une tapisserie où il est représenté avec une flèche dans l’œil (NDLR: la tapisserie de Bayeux), commente Kitty Kaletsky. C’est ce que tous les enfants britanniques apprennent à son sujet. Ce fut donc vraiment excitant pour nous de le raconter. Et pour James Norton, de pouvoir le jouer en y mettant sa marque.»
«Comme j’ai participé au processus de développement de la série pendant sept ans, je savais qui était Harold et quel genre d’homme on voulait dépeindre, souligne l’acteur. On avait tout de même pas mal d’informations dans les livres d’histoire. On savait que c’était un homme honnête, qu’il était un bon roi, attaché à sa famille. Mais aussi qu’il était une brute, un grand guerrier. Il n’était pas étranger à la violence. Ces informations étaient contradictoires, parfois. On parle d’il y a presque 1.000 ans! C’est toujours un challenge que de naviguer pour deviner qui étaient vraiment ces gens.»
Parler d’Harold en tant que mari, père, fils, frère fut pour le comédien une des pièces les plus importantes du puzzle… «Ça se retrouve moins dans les bouquins. Il faut extrapoler. Quand vous créez une vie privée à votre personnage, vous cherchez des explications. Par exemple, vouv vous demandez pourquoi il s’est lancé dans une quête éperdue de pouvoir? La raison est souvent dérisoire et intime. La protection de sa progéniture, l’absence de reconnaissance d’un père…»

«On a essayé de trouver un équilibre entre ce qu’on avait comme éléments et ce qui rendrait la série attrayante, analyse le réalisateur et coproducteur Baltasar Kormákur. On a dû simplifier certaines choses. Des gens portaient le même nom, par exemple. Pour éviter toute confusion, il a fallu faire quelques ajustements. On a pris certaines libertés et on n’a pas réalisé un documentaire. Mais on est resté honnêtes, fidèles aux événements qui, on le sait, se sont produits.»
L’équipe a travaillé avec des consultants durant tout le processus de développement. «Tous les épisodes étaient lus, commentés et adaptés, confie Kitty Kaletsky. Mais il y avait déjà beaucoup d’ouvrages sur le sujet, qu’ils se concentrent sur Mathilde, Harold Godwinson ou racontent la vie de l’époque. Ce qui a été libérateur en lisant toutes ces biographies et livres historiques, c’est à quel point ils se contredisent. Ça accorde une véritable liberté. Parce qu’il y a peu de faits et beaucoup d’interprétation.» «Tout est toujours question de perspective, conclut Baltasar Kormákur. Regardez comment les politiciens racontent leurs histoires de nos jours. A l’époque, ils avaient aussi tout le loisir de mentir et de construire leur propre mythe.»