Ça revient à Derry en série: «On se demande tout le temps ce que ferait Stephen King à notre place»

Ça: Bienvenue à Derry adapte en série le roman terrifiant de Stephen King.
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Andy Muschietti et sa sœur Barbara ont transformé Ça, le bouquin de Stephen King, en série après l’avoir par deux fois adapté au cinéma. Bienvenue à Derry…

Ça: bienvenue à Derry

Disponible sur HBO MAX

Une série d’Andy Muschietti, Barbara Muschietti et Jason Fuchs. Avec Bill Skarsgard, Taylour Paige, Jovan Adepo. 9 épisodes d’une heure. Un épisode par semaine à partir du 26 octobre.

La cote de Focus: 3/5

Alors qu’en 1962, un de leurs amis a soudainement et mystérieusement disparus à Derry, petite ville du Maine où est installée une base de l’armée de l’air américaine, une bande d’adolescents part à sa recherche et va devoir affronter ses peurs. Nouvelle variation autour du célébrissime roman de Stephen King, Ça: bienvenue à Derry a été pensée par Andy Muschietti comme un préquel à ses deux films sur le clown dansant, sortis respectivement il y a six et huit ans. Bill Skarsgard y reprend son rôle de Grippe-Sou, mais se fait désirer (Muschietti s’est inspiré de Steven Spielberg et de ses Dents de la mer). Derrière son style vintage, ses scènes d’horreur parfois bien sanguinolentes et son côté Stranger Things, la série explore l’Amérique des années 1960, ce qu’était la peur et ce qui effrayait les enfants à cette période de l’histoire. Bouh…

Si Stephen King a abondamment nourri le 7e art, le maître de l’horreur qui, dans les années 1980, ne considérait pas la télévision comme un format médiatique convenant à ses récits –principalement pour des raisons liées à la censure–, a finalement abreuvé de ses visions cauchemardesques les productions pour le petit écran. Pennywise, alias Grippe-Sou, avait d’ailleurs déjà eu droit à un téléfilm édulcoré, en deux longs épisodes aux effets spéciaux datés avec Tim Curry en 1990 (Ça: il est revenu). Alors que Marche ou crève vient de débarquer dans les salles obscures, l’Argentin Andy Muschietti et sa sœur Barbara racontent la genèse de Ça, bienvenue à Derry. Une première saison qui, si tout se passe bien, en annonce deux autres, censées remonter le cours de l’histoire et se dérouler en 1935 puis en 1908.

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Pourquoi avoir voulu décliner Ça en série et comment en avez-vous bâti l’intrigue?

Andy Muschietti: En me replongeant dans le livre après en avoir fait deux films, j’ai trouvé qu’il restait encore beaucoup d’histoires à raconter. Il demeurait un tas d’énigmes dans le bouquin qui formaient finalement un puzzle incomplet. Des intentions inachevées de Stephen King également. Ce qui exerce un effet incroyable sur les lecteurs. A la fin de l’ouvrage, on ne sait pas ce qu’il veut. Ça reste très spéculatif et mystérieux. On a voulu remplir ces trous, répondre à ces questions. Ma curiosité autour de ces énigmes était énorme. Et j’ai voulu l’assouvir. On a utilisé les interludes –des sections qui racontent la ville de Derry et les catastrophes qui s’y sont produites– comme un guide. Pour moi, il y avait une histoire cachée. Quand j’ai relu le livre, je me suis dit qu’il y avait une histoire dissimulée derrière tout ça et que je voulais la raconter. Pour la fabriquer, on en a imaginé plein d’autres. Des canevas, des époques, des personnages. L’engagement émotionnel avec ces personnages dans un film, un format plus court donc, est différent de celui qu’on peut développer dans une série. On y passe davantage de temps avec eux. On en apprend davantage à leur sujet. On les aimes avant même qu’il leur arrive quelque chose de mal. La série permet les nuances parce que la série en accorde le temps. Margie, par exemple, est censée être la meilleur amie de Lilly, mais elle entre dans une zone grise où on ne sait plus si elle est sa copine ou pas, où se situe sa loyauté. La série permet de raconter ce genre d’histoires.»

© Brooke Palmer

Votre générique est épatant. Quel était le concept tant en termes visuels que de musique?

Andy Muschietti: On a cherché dans ce générique à représenter un contraste qui est essentiel aussi bien dans l’histoire que dans le livre de Stephen King. Ça se passe dans une petite ville en apparence idyllique, mais elle cache une obscurité qui ne réside pas seulement dans le supernaturel et le monstre qui l’habite, mais aussi dans toute la laideur du comportement humain. C’est ce que je voulais symboliser avec ce générique. Cette esthétique de carte postale ’heureuse et touristique qui devient de plus en plus horrible. La chanson s’intitule A Smile and a Ribbon. Elle m’obsède depuis longtemps. Je ne savais pas trop quoi en faire et j’ai enfin trouvé un endroit où la glisser. Elle est l’œuvre de Patience and Prudence, deux sœurs qui sont brièvement apparues dans le monde de la musique à la fin des années 1950. Elles étaient fantastiques.

Dans votre série, les enfants souffrent de racisme, d’isolement social et institutionnel. Est-ce que ces cruautés sont la nourriture de votre Pennywise?

Barbara Muschietti: Oui. clairement. C’est pour ça que Pennywise existe. Il est là de cycle en cycle à cause des horreurs de la vie réelle, de l’humanité. Quand on a atterri en 1962, c’était définitivement les plus visibles. Ça utilise ces peurs pour contrôler les adultes et essaie de contrôler les enfants avec ces mêmes outils. La magie de ces losers, de ces jeunes, c’est qu’ils ne connaissent pas leurs propres limites. Ils veulent battre ce qui les oppresse. La peur en elle-même, le racisme, le sexisme… Toutes les abominations de la société.

© Brooke Palmer

De nombreuses histoires de Stephen King ont été adaptées à l’écran. Certaines avec davantage de succès que d’autres. Quelle est la clé selon vous pour réussir l’adaptation d’une de ses œuvres?

Andy Muschietti: Avant tout, je pense qu’il s’agit d’aimer l’originale. On apprécie énormément le travail de Stephen King, mais on est carrément amoureux de Ça et de ses personnages. Il s’agit donc de leur rendre justice. A eux et à leur voyage émotionnel. Stephen King l’a si bien fait qu’il suffit d’aimer suffisamment le livre pour y prêter attention. Il suffit de reproduire ce qu’il faut pour y être fidèle et d’y ajouter ce dont il a besoin. Parce que le format et la transposition nécessitent de tuer un personnage ou d’en créer un autre. On se demande tout le temps ce que ferait Stephen King à notre place. C’est un format différent. Il faut mettre en pratique ses connaissances. On lit ses bouquins depuis qu’on est enfants. King a exercé une telle influence qu’il est un peu comme un professeur. Un professeur qui nous enseigne comment raconter une histoire. Et il a toujours considéré l’engagement émotionnel comme une priorité. 

Barbara Muschietti: D’un point de vue plus pratique, il faut aussi le budget. Une production comme celle-ci coûte beaucoup d’argent et il faut avoir un studio derrière soi qui croit en sa vision. Cette série aurait pu être faite de manière bien différente, mais on voulait atteindre le même niveau que les films. Et ça nécessitait certains éléments assez extraordinaires pour la télévision. On ne voulait pas faire de la télé, on voulait faire du cinéma.

Les autres séries du moment

Rosehaven

Disponible sur ARTE.TV

Une série de Luke McGregor et Celia Pacquola. Avec Luke McGregor, Celia Pacquola, Katie Robertson. Cinq saisons, soit 40 épisodes de 28 minutes.

La cote de Focus: 3,5/5

Rentré en Tasmanie pour épauler sa mère qui dirige une agence immobilière dans un bled paumé, Daniel se fait arrêter et verbaliser par le père d’un garçon qui le tyrannisait à l’école, se prend sans cesse le chou avec sa mooman, rame dans ses nouvelles fonctions (il est vrai loin d’être de tout repos) et voit débarquer sa meilleure amie qui s’est fait plaquer en pleine lune de miel. Inséparables, les acteurs et humoristes Luke McGregor (Luke Warm Sex, Utopia) et Celia Pacquola (The Beautiful Lie, Utopia), extrêmement populaires en Australie, sont à la fois les principaux interprètes et les initiateurs de cette comédie cocasse et burlesque aux dialogues surréalistes et aux personnages secondaires loufoques. Feel good serie déclinée en cinq saisons qu’Arte met toutes à disposition, Rosehaven avance à son rythme tout sauf effréné et fait office de respiration bienvenue dans la morosité ambiante. Idéal pour oublier tous les Trump, Netanyahou, Le Pen et GLB de ce monde…

J.B.

Un monde meilleur

Disponible sur BETV

Une série de Laurent Mercier et Alexander Lindh. Avec Maria Hofstätter, Steven Sowah, Richard Sammel. 8 épisodes de 45 minutes.

La cote de Focus: 3/5

Convaincus que le milieu carcéral brise des vies et bien décidés à démontrer qu’un monde sans prison est possible, un jeune maire et une criminologue lancent un programme de réinsertion révolutionnaire en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. De nombreux détenus sont libérés et hébergés par des volontaires tandis que l’établissement pénitentiaire de Rheinstadt est appelé à fermer. L’objectif est clair: prouver que ce bâtiment dénué d’humanité est dépassé.

Responsable du programme, Petra Schach a promis du travail, un logement, une thérapie et la liberté aux criminels. Mais il est compliqué de lâcher des tueurs racistes et des pédophiles dans la société sans fâcher une partie de la population. Pas dingue dans sa forme, banale dans sa réalisation, cette sobre série chorale teutonne initiée et co-écrite par un scénariste français vaut surtout par sa réflexion sur le système pénal et sa capacité à ne pas faire la leçon. Un monde meilleur questionne des procédés existants (bracelets, médiation restaurative) et n’oublie pas les familles des victimes. Une série intelligente pour repenser notre rapport à la justice…

J.B.

Splinter Cell: Deathwatch

Disponible sur NEFLIX

Une série de Derek Kolstad. Avec les voix de Liev Schreiber, Janet Varney, Kirby Howell-Baptiste. 8 épisodes de 25 à 30 minutes.

La cote de Focus: 3/5

L’action moderne doit beaucoup à l’écrivain américain Tom Clancy. De A la poursuite d’Octobre rouge à la série Jack Ryan, en passant par La Somme de toutes les peurs, les œuvres adaptées du romancier ont progressivement dressé un tableau techno-paranoïaque des guerres contemporaines, où la méticulosité prévaut systématiquement sur la force brute. Scénarisée par Clancy, la saga Splinter Cell créée par Ubisoft a prolongé cette approche à travers des jeux vidéo à succès. Après douze ans d’absence –la dernière itération du jeu remonte à 2013–, le célèbre espion Sam Fisher reprend du service dans une courte série animée créée par Derek Kolstad (John Wick). Hélas, on ne retrouve dans Deathwatch ni la complexité des techniques d’infiltration, ni les nuances multiples des personnages, Sam Fisher étant ici traité comme un ersatz de John Wick. Ultradivertissante, parcourue de séquences d’action stylisées, la franchise perd en richesse ce qu’elle gagne en adrénaline, pour un résultat très plaisant mais un tantinet oubliable.

J.D.P.

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