Alien: Earth, quand les sagas ciné se déclinent en séries

Avec Alien: Earth, la franchise autour du xénomorphe se poursuit en forme sériel.

Le 13 août débarquera sur Disney+ Alien: Earth, la première série dédiée au xénomorphe, presque 50 ans après le chef-d’œuvre de Ridley Scott. Un événement qui emboîte le pas à d’autres déclinaisons de prestigieuses franchises sur le petit écran.

Les Anneaux de pouvoir sur Amazon, Snowpiercer sur Netflix, les nombreuses séries Star Wars sur Disney+, le futur mastodonte Harry Potter prévu sur Max, et aujourd’hui Alien: Earth. Mais pourquoi ce soudain essor des adaptations télévisuelles de gros blockbusters? Et surtout, comment les grands studios parviennent-ils (ou pas) à transposer des univers cinématographiques aussi massifs dans le canevas si différent de la série télévisée ?

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Pour comprendre ce phénomène de plus en plus fréquent, il faut d’abord revenir aux prémices du médium. La série télévisée trouve son origine dans le soap (ou feuilleton) des années 1950, soit des longs récits décomposés en milliers d’épisodes. Comme nous le rappelle la critique américaine féministe Tania Modleski, les séries de cette époque révolue se destinaient surtout à un public composé de femmes au foyer, aux prises avec l’éducation des enfants et les tâches ménagères. Les intrigues de ces premières séries étaient donc conçues pour être suivies avec une attention minimale portée sur l’écran, d’où une mise en scène quasiment inexistante au profit de dialogues très didactiques.

La pauvreté de sa réalisation et l’absence d’un vrai budget de production ont longtemps empêché la série télévisée d’être un médium assez fort pour adapter les histoires les plus spectaculaires. Dans les années 1980-1990, la transposition d’une série en film relevait d’ailleurs de la consécration (X-Files, Les Contes de la crypte, Twin Peaks, Mission: Impossible), là où le phénomène inverse était relativement marginal.

L’appât du gain demeure évidemment une des motivations les plus fréquentes.

Ce n’est qu’au début des années 2000, avec des projets HBO à la forme léchée comme Six Feet Under ou Les Sopranos, que la série a progressivement gagné en reconnaissance et en prestige, jusqu’à lutter au coude à coude avec le 7e art. En 2018, le Guardian estimait que certaines grandes séries coûteraient plus de 20 millions par épisode, citant en exemple House of the Dragon. Plus récemment, le média spécialisé Videoscreen dévoilait que plus de 28 séries avec un budget plus élevé que dix millions par épisode étaient sorties en 2024. Des sommes pharaoniques qui permettent désormais aux shows télévisés de rivaliser avec l’ampleur des films hollywoodiens, ce qui a favorisé la porosité entre les deux médiums. Aujourd’hui, il n’existe désormais presque aucune différence sur le plan visuel entre une licence cinématographique et son descendant télévisuel. Reste encore à déterminer ce qui motive de telles déclinaisons.

L’appât du gain demeure évidemment une des motivations les plus fréquentes. Encore plus qu’un film, une série a le pouvoir de fidéliser un public sur le très long terme. Dès lors, il est logique que de grands studios usent du format pour prolonger leurs franchises-maîtresses, déjà dotées d’une importante fanbase. Lorsque l’adaptation en série est accomplie avec cynisme, cela ne peut déboucher que sur des catastrophes, à l’image de celle du Seigneur des anneaux, qui prétend dévoiler un autre âge de la Terre du Milieu mais se contente in fine d’agiter le pénible hochet de la nostalgie auprès des amateurs de Tolkien.

D’autres œuvres ont heureusement réussi à tirer un meilleur parti du format. Plus longue, mais aussi plus libre dans le ton, la série permet d’approfondir certains aspects du monde imaginaire laissés en friche par les films, devenant un outil essentiel au sein des univers étendus si chers aux studios. Monarch: Legacy of Monsters sur Apple TV entend par exemple faire le lien entre les différents opus de Godzilla et Kong. De la même manière, les miniséries Star Wars comblent les vides laissés entre certains opus majeurs. L’exercice est parfois réalisé avec intelligence, comme dans The Mandalorian ou Andor, qui étoffent la mythologie tout en explorant des tonalités nouvelles. Sauf qu’à lever le voile sur toutes les zones d’ombre de la saga cosmique, Disney a peu à peu dilapidé une partie de son charme, notamment lorsqu’elle désacralise ses icônes –comme Boba Fett. De la même manière, l’accumulation de séries dérivées peut finir par noyer le public, comme l’a appris à ses dépens Marvel, dont l’univers étendu et ses multiples ramifications télévisées ont fini par causer du tort.

Certaines adaptations sérielles se révèlent plus surprenantes, à la manière de Westworld, basée sur un film de science-fiction un peu oublié des années 1970, Mondwest, de Michael Crichton. Non seulement l’adaptation télévisée profite des nouvelles technologies pour moderniser l’imagerie visuelle de la licence, mais en plus la série creuse avec beaucoup de finesse les thématiques seulement esquissées dans le long métrage. Plus qu’une extension, Westworld prend finalement la forme d’un reboot, s’emparant des mêmes prémices que le film pour l’emmener plus haut et plus loin.

Dans tous les cas, la transition du grand au petit écran n’a rien d’une sinécure et ces projets posent généralement de nombreux dilemmes artistiques à leurs showrunners, coincés entre fidélité, nouveautés et fan-service.

Pour aller plus loin, Focus a sélectionné quatre séries adaptées de films, chacune offrant un angle singulier en termes d’adaptation.

Le Seigneur des Anneaux: Les Anneaux de pouvoir

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Un bel exemple d’adaptation ratée. Sous couvert d’explorer un âge antérieur à l’histoire racontée par Peter Jackson dans ses trois films, la série s’éparpille en réalité dans une myriade de clins d’œil complices et de références adressées aux spectateurs, sans jamais prendre la peine de développer son propre récit. Réduit à un embarrassant portfolio de fan-service, le show progresse constamment dans l’ombre de la saga mère et témoigne d’un manque d’inspiration teinté d’opportunisme de la part d’Amazon.

Snowpiercer

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En théorie, cette série tente peu ou prou la même recette que Westworld, soit «rebooter» le concept de base pour lui octroyer une épaisseur nouvelle. Dans les faits, elle montre hélas rapidement ses limites, notamment dans sa mise en scène. Outre son allégorie sociale brillante, le film réalisé par Bong Joon-ho transcendait son esthétique de huis clos par un astucieux jeu sur l’horizontalité et la variation des atmosphères entre chaque wagon. Des enjeux esthétiques qui désintéressent visiblement les showrunners de la série, laissant leur intrigue sombrer dans un chapelet de décors mornes et grisâtres.

Fargo

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Il n’y a pas que les franchises qui ont droit à leur adaptation télévisée, certains films d’auteur aussi. Ni reboot, ni préquel, ni même spin-off, la série Fargo est un projet aussi improbable que réussi. Noah Hawley (désormais à la tête d’Alien: Earth) parvient miraculeusement à restituer la tonalité pathétique et noire des frères Coen dans une série anthologique qui se renouvelle à chaque nouvelle saison. La première reste néanmoins la meilleure.

Ash vs. Evil Dead

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Peut-être encore plus étonnante que Fargo, cette série fait office de suite officielle à la saga Evil Dead élaborée par Sam Raimi dans les années 1980-1990. Un show qui joue forcément sur la corde nostalgique mais qui tire son épingle du jeu par son inventivité réjouissante dans le slapstick gore, un genre largement sous-exploité à la télévision. A noter l’interprétation toujours aussi jouissive de Bruce Campbell en tant qu’antihéros, toujours armé de sa tronçonneuse et de son fidèle Remington.

Alien: Earth

Disponible sur Disney+

Une série de Noah Hawley. Avec Sidney Chandler, Timothy Olyphant, Alex Lawther. 8 épisodes de 55 à 65 minutes.

La cote de Focus: 4/5

Le défi était de taille: comment adapter, sous la forme d’une série télévisée, une saga dont les principales péripéties prenaient la forme d’un huis clos claustrophobique spatial? A cela, Noah Hawley a répondu avec audace: en emmenant la franchise ailleurs. Sur Terre, en l’occurrence. Mais attention, une Terre fidèle à l’esprit de l’univers de Dan O’Bannon et de Ridley Scott, sans espoir ni lumière. Une Terre régie par des multinationales carnassières, en quête de pouvoir et d’ascendance. Sans rien révéler de l’intrigue, il faut saluer le projet, qui parvient miraculeusement à allier l’esthétique rétro et poisseuse de l’opus original avec les thématiques transhumanistes abordées par Ridley Scott dans le maladroit Prometheus. Ambitieuse, cruelle, surprenante et visuellement somptueuse, Alien : Earth s’impose comme le prolongement passionnant d’un des univers les plus forts créés par le 7e art.

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