Critique | Séries/Télé

Philo dans la réserve

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© disney+
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Titre - Reservation Dogs (saison 2)

Réalisateur-trice - Une série créée par Sterlin Harjo et Taika Waititi

Quand et où - Disponible sur Disney+

Casting - Avec Devery Jacobs, D’Pharaoh Woon-A-Tai, Lane Factor

Nicolas Bogaerts Journaliste

La deuxième saison de Reservation Dogs double ses traits d’humour d’un regard lucide et philosophique sur la transmission.

Après le passage de la tornade qui avait contrarié leur projet de départ pour la Californie en fin de première saison de Reservation Dogs, la bande à quatre des Rez Dogs est éparpillée aux quatre vents. Pour l’heure, les mornes plaines et les espaces béants de l’Oklahoma demeurent leur horizon. Enfin, pas pour Elora (Devery Jacobs) et Jackie (Elva Guerra), dont le voyage vers l’Ouest prend des tours d’odyssée. Bear (D’Pharoah Woon-A-Tai), Willie Jack (Paulina Alexis) et Cheese (Lane Factor) sont eux cantonnés aux rues semi-désertes de la réserve, forcés de trouver un sens à leur existence au milieu d’une communauté composée de personnages bigarrés et d’un esprit particulièrement farceur: William “Spirit” Knifeman (irrésistible Dallas Goldtooth), guide spirituel revenu prodiguer conseils et aphorismes entre deux ingurgitations de junk food.

https://www.youtube.com/watch?v=y7yF9lAhPjc

L’abandon, le désœuvrement, l’acculturation, la transmission et la responsabilité sont au cœur de cette deuxième saison. L’humour, arme de dérision massive de Bear et sa bande, est toujours au cœur des débats, tendant ses fils noirs sur un canevas absurde, existentiel et initiatique. Aux grands espaces dans lesquels se cherchent et se perdent les personnages correspondent les grandes vacuités du cauchemar américain. Si le passage à l’âge adulte et, dans le cas du périple d’Elora et Jackie, la confrontation avec le monde extérieur, apportent une dose d’âpre lucidité, les réparties acides enrichissent l’ambiance de ses références culturelles syncrétiques -entre spiritualité amérindienne, hip-hop, bêtise redneck ou piété chrétienne hors sol des Blancs- et philosophie juvénile née de déambulations quasi socratiques. Dans Reservation Dogs, la tradition gère les assauts d’une modernité abrutissante, qu’elle parvient plus ou moins à assimiler et à transformer à son avantage.

L’ensemble rend toutefois hommage aux relations des mondes visible et invisible et à la bonté intrinsèque des humains, mais se joue de la crétinerie que ceux-ci acquièrent trop facilement. L’ensemble demeure d’autant plus admirablement touchant, déroutant, incasable, que les acteurs et actrices sont d’une formidable sincérité. En abordant les rivages de l’âge adulte, cette deuxième saison de Reservation Dogs force les plus anciens à révéler de douloureux secrets. En faisant le pont entre les injustices d’hier et d’aujourd’hui, elle souligne que les ressources, les guides spirituels, les questions et les quêtes demeurent inchangés, et combien le transgénérationnel peut être un appui structurant. Et c’est toute une communauté qui, même bancale, en sort renforcée.

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