Nicolas Cage dézingue tout dans Mandy, virée hallucinée tournée en partie à Spa
Nicolas Cage avait touché le fond? Panos Cosmatos réhabilite miraculeusement l’acteur aux excès capillotractés dans un Mandy saignant à souhait.
En 2011, à la sortie de son premier long métrage, Beyond the Black Rainbow, Panos Cosmatos parlait avec beaucoup d’à-propos de ce film-trip complètement taré au confluent de l’horreur et de la science-fiction comme d’une espèce d’équivalent filmique à un album du Floyd des débuts à s’écouter en boucle jusqu’au bout de la nuit. À l’époque, il préparait déjà Mandy, deuxième film présenté à la Quinzaine cannoise l’an dernier et disponible aujourd’hui en DVD, qu’il décrivait alors plutôt comme un disque défoncé de Black Sabbath sur lequel se rouler un énorme joint. Sûr que l’animal a le sens de la formule et de la référence droguée qui fait mouche. Cinéaste gréco-canadien né à Rome, ce gros nounours mal peigné au rire suraigu est en fait le fils du scénariste et réalisateur George P. Cosmatos, à qui l’on doit notamment le deuxième Rambo mais aussi Cobra avec Sylvester Stallone, films d’action aussi joyeusement bourrins que kitschement stylés ayant fait le bonheur des amateurs de mauvais genres au mitan des années 80. « Allez savoir pourquoi mais j’ai toujours été très attiré par une culture plutôt déviante« , rigole d’entrée dans sa barbe ce fan hardcore de Clive Barker et de King Crimson. Ses premières armes cinématographiques, il les fourbit logiquement aux côtés de son paternel. Panos n’a ainsi pas 20 ans quand il officie comme assistant opérateur sur Tombstone (1993), ce western du père George où Kurt Russell incarne Wyatt Earp et Val Kilmer Doc Holliday.
Un quart de siècle plus tard, Mandy le voit s’affirmer comme un cinéaste de la marge, féroce et séditieux, avec lequel il va définitivement falloir compter. Soit une fantasmagorie très influencée par ses obsessions d’enfant ainsi que par son amour pour Donjons & Dragons et le heavy metal -plusieurs scènes du film évoquent d’ailleurs des visuels de vieux albums aux ambiances lourdes et fumasses qui auraient soudainement pris vie-, un film de vengeance horrifique multicouche doublé d’un opéra rock kaléidoscopique aux résonances cosmiques qu’en bon exégète amphigourique de son propre travail, il décrit comme une rêverie païenne contant la naissance d’une déesse sur un mode subliminal. Rien que ça, donc. Et force est de constater que l’intrigue de Mandy se construit moins en suivant la logique d’une continuité évolutive de narration que d’une succession quasiment rituelle de flashes graphiques haut perchés. « J’ai l’impression que j’écris mes films à la manière dont on compose une playlist, en connectant des images psychiques à des thèmes ou concepts communs, chaque séquence s’intégrant à l’arrivée dans une espèce de grand tout aux enchaînements fluides. C’est un voyage mental. »
La mort, et après?
Objet rétro clinique, et éminemment plastique, Beyond the Black Rainbow annonçait, à sa très radicale façon, aussi bien le Neon Demon de Nicolas Winding Refn que la série Stranger Things sur Netflix. L’action de Mandy, aujourd’hui, se déroule exactement la même année -1983- que celle de son prédécesseur et affiche un même goût maniaque pour la couleur rouge. « Il se trouve que j’adore cette couleur. Je l’utilise dans mes films pour créer quelque chose de très primal mais aussi de très sensuel. À mes débuts, je voulais tourner en noir et blanc. Et puis j’ai pensé que ce serait bien plus intéressant d’utiliser la couleur mais en poussant tous les curseurs à fond. Beyond the Black Rainbow et Mandy ont été écrits en parallèle et sont complémentaires. Ce sont les deux faces d’une même pièce, les deux temps d’une respiration. Le premier est une inspiration, qui a beaucoup à voir avec la question du contrôle et une forme de stérilité. Le second est une expiration, un déchaînement de forces et de vie. » Tous deux sont des réponses métaphorisées aux tragédies intimes qui ont pu frapper le cinéaste. « De manière très différente, ces films portent l’empreinte de la tristesse et de la colère qui étaient les miennes après la mort de mes parents, oui. C’est pour ça aussi que Mandy est bourré de références aux choses que j’aimais quand j’étais gamin (de Mötley Crüe à Erik Estrada, l’acteur de la série télé Chips, NDLR). Très présomptueusement, j’ai toujours considéré la nostalgie comme quelque chose de ridicule et de méprisable. Ce n’est seulement qu’à la disparition de mes parents que j’ai ressenti ce besoin profond de me reconnecter avec des choses enfouies en moi depuis très longtemps. »
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Oeil fou, armé jusqu’aux dents, en slip moule-burnes et chaussettes blanches, Nicolas Cage fait des merveilles et dézingue tout ce qui bouge dans cette virée hallucinée en partie tournée à… Spa, et transcendée par la bande-son épatante du regretté Jóhann Jóhannsson. « Nicolas a été très facile à convaincre. À vrai dire, c’est lui qui voulait jouer dans le film. C’est un fan de Beyond the Black Rainbow. À la fin du tournage, il a dit qu’il n’avait aucune idée de ce à quoi pourrait bien ressembler Mandy une fois monté et j’ai pris ça comme un compliment (sourire). Il y a chez lui cet improbable mélange d’émotion très premier degré et d’autodérision complètement barge qui n’a pas toujours été bien compris ou utilisé. Parce que, pour moi, quoi qu’on en dise, il reste l’un des plus grands acteurs de sa génération. »
Mandy. De Panos Cosmatos. Avec Nicolas Cage, Andrea Riseborough, Linus Roache. 1h56. Dist: Universal. ***(*)
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