Lisa Kudrow, amie pour la vie? « Après la fin de Friends, je n’arrivais plus à dire oui »
Au générique de Space Force, la nouvelle série Netflix de Steve Carell et Greg Daniels (The Office), Lisa Kudrow jette un oeil dans le rétroviseur et évoque pour nous la réunion imminente du casting de Friends.
Un lundi soir confiné, à l’heure de l’apéro Zoom. Le visage de Lisa Kudrow apparaît sur l’écran d’ordinateur: « Hey, bonjour, comment ça va? » À 56 ans, l’actrice californienne affiche une filmographie longue comme deux bras, puisqu’elle est apparue dans plus d’une quarantaine de longs métrages et autant de séries depuis ses débuts au mitan des années 80. Rien, pourtant, ne la déterminait à l’origine à devenir comédienne. Troisième enfant d’une famille juive de classe moyenne aux racines biélorusses, fille d’une agente de voyages et d’un médecin spécialisé dans le traitement des maux de tête, la jeune femme se destine en effet d’abord à une carrière purement scientifique. Diplômée en biologie, elle assiste plusieurs années durant son paternel dans ses recherches sur les céphalées, tout en tentant néanmoins déjà de percer en parallèle en tant qu’actrice. Quand on la lance sur le sujet, elle affiche un sourire amusé: « Depuis que je suis toute petite, j’ai toujours adoré être en représentation. Mais il se trouve que, oui, ma grande passion durant mes études, c’était la biologie évolutive. Quand je me suis retrouvée avec mon diplôme en poche, cela dit, j’ai commencé à cogiter: « Ok ok, Lisa, attends un peu une minute, tu as seulement 22 ans et tu n’as aucune responsabilité, c’est probablement le seul moment de toute ta vie où tu pourras tenter d’accomplir ce que tu rêves vraiment de faire. » J’avais peur d’avoir des regrets en vieillissant, de me dire constamment que j’aurais pu au moins essayer. Je voulais être certaine que si je n’étais pas devenue actrice, c’était pour une bonne raison. Pas simplement parce que je n’avais pas eu le cran de me lancer. »
La suite, on la connaît. Même si les tentatives liminaires n’ont pas forcément toujours été payantes. Le premier déclic intervient quand elle intègre une école d’improvisation, méthode de jeu qui marquera durablement son parcours de comédienne. « J’ai toujours beaucoup aimé l’improvisation, mais disons que j’ai besoin d’une permission pour ça. Je ne vais pas me lancer dans de l’impro si ce n’est pas ce qu’on attend de moi. Sur le plateau de Friends, on fonctionnait avec plusieurs scénaristes, des répétitions, etc. Vous ne pouvez pas faire n’importe quoi n’importe quand. J’ai plusieurs fois eu le sentiment, par exemple, que pour certains auteurs ç’aurait été irrespectueux de me lancer dans une partition improvisée. Dans ces cas-là, je ne le fais pas. »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Allergique à l’engagement
Son actu du moment tient d’abord dans la diffusion imminente de la première saison de Space Force sur Netflix, nouvelle série imaginée par le duo de choc formé par Steve Carell et Greg Daniels (lire notre encadré ci-dessous). « Je connais Greg et Steve depuis un bon moment déjà. J’étais une grande fan de leur travail sur la série The Office. Steve m’a contactée pour me demander: « Est-ce que tu veux… » Et j’ai répondu oui avant qu’il ait eu le temps de terminer sa phrase (sourire). Plus tard, ils m’ont expliqué ce qu’ils ambitionnaient vraiment de faire avec cette nouvelle création. Ils m’ont parlé du ton assez particulier qu’ils cherchaient à trouver, quelque chose de moins féroce, de moins frontalement drôle, de plus vrai peut-être. C’est ce que j’aime aussi avec la comédie. Cette idée de plonger des êtres humains vraiment les plus authentiques possible, avec leurs failles et leurs faiblesses, dans des situations hyper absurdes. »
Dans Space Force, Kudrow incarne l’épouse d’un général en charge de la nouvelle branche des forces armées américaines interprété par Carell lui-même. Un personnage secondaire, voire carrément mineur, assez raccord en cela avec la plupart des rôles endossés par l’actrice depuis que la série Friends a tiré sa révérence en 2004. Au cinéma comme à la télévision, elle semble en effet, et plus particulièrement encore ces dernières années, abonnée aux apparitions relativement brèves, mais pas forcément moins marquantes pour autant. « C’est vrai. Et ça me convient parfaitement. Bien souvent, je sens qu’il ne m’en faut pas plus. Pour être tout à fait honnête, je suis devenue un peu allergique à toute forme d’engagement depuis la fin de Friends. Cette sitcom représente pour moi dix années incroyablement intenses. Et une partie de ma phobie à l’égard de l’engagement aujourd’hui tient, je pense, au sentiment que ça ne pourra jamais être aussi bon que ça l’a été alors. Vous savez, nous étions tellement soudés durant ces dix années, et on a eu tellement de bons moments tous ensemble… Et en même temps, c’était tellement d’énergie à fournir, et puis une telle exposition au fil des ans avec le succès grandissant de la série. Peut-être que phobique ou allergique n’est pas exactement le bon mot. Mais disons que c’est devenu quelque chose de très intimidant pour moi, l’idée de me consacrer à ce point à quelque chose. J’ai été plusieurs fois à deux doigts de m’engager à nouveau dans un rôle important sur le long terme, et puis je me suis débinée au dernier moment. Je n’arrivais simplement pas à dire oui. »
Pourtant, dès 2005, l’actrice a créé, produit et interprété le rôle principal de The Comeback, qui aura tout de même connu deux saisons sur HBO, série centrée sur une… ancienne star de sitcom tentant désespérément de relancer sa carrière. Tandis qu’entre 2008 et 2015, elle a encore créé, écrit et joué dans Web Therapy, websérie puis série Showtime en partie improvisée où elle dispensait de très dysfonctionnelles sessions psy express via Internet. « Oui, c’est vrai que ce sont des projets qui m’ont pris du temps et se sont inscrits dans la durée. Mais les choses étaient très différentes. Il s’agissait de programmes que je produisais et sur lesquels j’avais un contrôle total. Je savais exactement ce que ça allait être et que ça me correspondrait tout à fait. Pour le reste, je dois bien dire que je préfère vraiment me contenter de petites apparitions. Quand Tina Fey me contacte pour jouer dans quelques épisodes d’Unbreakable Kimmy Schmidt, par exemple, je sais que je vais m’amuser mais aussi qu’on ne va pas trop m’en demander. Idem avec Michael Schur pour The Good Place le temps d’un épisode. À chaque fois, ce sont des séries dont je suis fan et des personnes que j’admire beaucoup. C’est mon luxe de pouvoir aller vers de petits rôles comme ceux-là. » On est loin, il est vrai, des 236 épisodes abattus entre 1994 et 2004 pour Friends sur NBC…
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
L’heure des retrouvailles
Friends, donc, parlons-en. Les 23 et 24 mars derniers, les six acteurs de la sitcom culte devaient se réunir sur la scène de leur gloire passée afin de mettre en boîte un inédit destiné au lancement de la plateforme de streaming HBO Max. Le coronavirus, évidemment, en a décidé autrement, le tournage de ce special attendu par une cohorte de fans surchauffés se voyant repoussé à une date ultérieure -possiblement la fin de cet été. « Attention, il ne s’agira pas d’un nouvel épisode à proprement parler. J’insiste beaucoup là-dessus parce que je ne voudrais pas créer de fausses attentes. Ce n’est pas la réunion de nos six personnages, mais bien la réunion de nous six en tant qu’acteurs sur le plateau de la série. »
Ces retrouvailles, celle qui restera pour beaucoup l’éternelle Phoebe Buffay, chansonnière-masseuse naïve et candide au passé trouble, les attend avec énormément d’impatience. « Ça fait des années qu’on en parle et qu’on est tous désireux que ça se concrétise. Ça va juste être du pur plaisir, j’en suis sûre. Il se passe un truc très particulier à chaque fois qu’on est réunis tous ensemble. C’est quelque chose de rare, je crois, une alchimie pareille. Parce qu’on s’entend réellement à merveille. On se fait rire aux larmes les uns les autres. Mais le fait est qu’on ne s’est pas retrouvés rassemblés dans la même pièce tous les six face à un public depuis que la série s’est clôturée il y a seize ans. C’est vraiment très excitant. »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Même si un certain révisionnisme bien dans l’air du temps se plaît notamment à lui reprocher aujourd’hui son manque patent de diversité à l’écran, le succès et l’aura de Friends n’ont jamais faibli au fil des années, et la série est toujours massivement adulée. Quand, par exemple, en début d’année, Jennifer Aniston a publié une nouvelle photo d’elle flanquée de Courteney Cox et Lisa Kudrow sur son compte Instagram, la Toile s’est littéralement enflammée. « Comment expliquer l’ampleur et la longévité du succès de Friends? Je pense sincèrement que ça tient beaucoup à cette connexion bien réelle qui existait entre nous. Et au fait que les scénaristes qui travaillaient sur la série ont réussi à tirer le meilleur profit de cette alchimie-là. L’écriture du show était souvent vraiment brillante, très enlevée et très drôle, avec trois arcs narratifs qui se mêlaient à chaque fois et qui trouvaient leur conclusion au sein d’un seul et même épisode. C’est une collaboration qui fonctionnait dans les deux sens: nous amenions en tant qu’acteurs beaucoup de nous, de nos lubies, de notre folie, sur le plateau et toutes ces petites choses étaient prises en compte par l’équipe de production qui l’intégrait dans la logique du show pour le rendre le meilleur possible. »
Et pour la suite? « Vu le contexte, ce serait vraiment le moment parfait pour relancer Web Therapy, je pense (sourire). Mais il n’y rien à l’agenda de ce côté-là. J’ai une idée pour un autre projet personnel que je voudrais développer. Je ne vais pas m’avancer à ce stade. Attendons de voir si ça mène quelque part… »
Série créée par Steve Carell et Greg Daniels. Avec Steve Carell, John Malkovich, Lisa Kudrow. Disponible sur Netflix. **(*)
Le 18 juin 2018, Donald Trump annonçait sa volonté de créer une sixième branche des forces armées des États-Unis, la Space Force, destinée à la conduite d’opérations militaires dans l’espace. Effective depuis le 20 décembre 2019, elle inspire aujourd’hui à Steve Carell et Greg Daniels l’idée d’une série comique pour Netflix où la poursuite de la conquête de l’espace est revue et corrigée façon L’Étoffe des zéros. Le concept de tourner en ridicule l’idiocratie présidant au destin de la souveraine nation américaine a bien sûr quelque chose de réjouissant en soi, mais le problème n’est pas là. C’est dans sa mécanique de comédie même que cette satire militaire douce-amère apparaît étonnamment grippée. Entre gags qui tombent à plat, situations mal définies et accès soudains de mélancolie qui cherchent maladroitement une certaine densité dramatique, la sauce ne prend pas. Bien trop amidonnée pour convaincre, cette première saison se décoince néanmoins peu à peu au fil des épisodes, et certains de ses délires les plus absurdes finissent malgré tout par faire mouche. De quoi laisser augurer du meilleur pour la suite? Encore faudrait-il que la série soit prolongée après cette première salve majoritairement molasse, qui oublie ou délaisse étrangement certains de ses arcs narratifs et autres personnages secondaires en chemin. On était objectivement en droit d’attendre quelque chose d’autrement plus enlevé de la part du tandem responsable de The Office version US…
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici