Les 2 séries à suivre: Espion à l’ancienne et La Mesías
Au rayon séries, on retrouve Ted Danson, 76 ans, qui reprend du service en vieil espion improvisé dans une maison de retraite. On part ensuite vers Barcelone pour une bouleversante fresque familiale aux relents sectaires.
Espion à l’ancienne
Cela fait des décennies que Ted Danson accompagne les spectateurs (surtout à la télévision avec Cheers ou Bored to Death) et l’acteur affiche désormais 76 ans au compteur. Âge parfait pour incarner le héros d’Espion à l’ancienne, adaptation sérielle du film chilien à succès El agente topo (The Mole Agent à l’international, nominé aux Oscars). Ce docu-fiction de 2020 suivait un retraité de 83 ans recruté par une agence de détectives privés afin d’enquêter sur des méfaits qui auraient eu lieu dans une maison de retraite.
On est cette fois dans la fiction pure, mais l’intrigue de la série est en gros la même, à ceci près qu’elle est transposée à San Francisco, dans un établissement ultra chic. Charles (Danson, en forme olympique) se remet difficilement de la mort de son épouse. Poussé par sa fille Emily (Mary Elizabeth Ellis) à reprendre le dessus, il accepte cette improbable mission d’investigation en immersion. Malgré quelques retards à l’allumage, tout espion improvisé qu’il est, Charles va bien sûr se prendre au jeu, et se lier d’amitié avec de nombreux résidents de cette maison de repos select.
La résolution de “l’affaire” s’avérera parfaitement anecdotique. Ce qui compte ici pour Michael Schur, le créateur du show (on lui doit aussi The Good Place ou Brooklyn Nine-Nine avec Dan Goor, dont on retrouve avec joie quelques-uns des acteurs), c’est d’aborder des thèmes peu traités dans la fiction contemporaine: la solitude du troisième âge, les rapports parents âgés-enfants, la fugacité de la vie… Car derrière son humour et ses atours de série feel good classique, Espion à l’ancienne se fait parfois plus grave, et ne vous épargnera pas quelques larmes au coin de l’œil. Elle achèvera de séduire le spectateur avec ses vues superbes de la baie de Frisco (Charles est un ex-ingénieur en architecture, obsédé par le Golden Gate Bridge), et ses plans sur les lieux mythiques de quelques-unes des scènes les plus marquantes du Vertigo (Sueurs froides) d’Alfred Hitchcock. Une série plaisante et poignante. Marcel Ramirez
Espion à l’ancienne ***(*) de Michael Schur, Netflix.
Avec Ted Danson, Lilah Richcreek Estrada, Mary Elizabeth Ellis.
La Mesías
L’action de La Mesías se déroule aux environs de Montserrat, massif isolé se dressant à une soixantaine de kilomètres de Barcelone, en Catalogne. Au IXe siècle, la Vierge y serait apparue à de jeunes bergers. Plus récemment, certains affirment y avoir vu des ovnis. Pour beaucoup, l’endroit s’apparente dès lors à une espèce de montagne sacrée, voire magique, qui excite les imaginaires. Montserrat, c’est aussi le prénom du soleil noir autour duquel gravite cette singulière série ibérique, mère aussi bigote que déglinguée née le même jour que Madonna, dont elle jalouse avidement la célébrité. Durant plusieurs décennies, elle va empoisonner de sa folie toxique et de son emprise dévorante l’existence de ses enfants: l’aîné Enric, sa sœur Irene et leurs nombreuses jeunes demi-sœurs, appelées à former un girls band pop catho taillé pour le buzz sur YouTube.
Victime recluse de la violence psychologique qui découle du fanatisme religieux d’une matriarche dangereusement illuminée, cette grouillante fratrie grandit en effet à l’écart du monde, dans un idéal de pureté horriblement malsain et rétrograde aux dramatiques conséquences traumatiques… S’étalant sur sept épisodes, et plus de huit heures, cette ambitieuse fresque familiale primée au dernier festival Séries Mania est hantée par l’idée de la fin du monde -ou plutôt d’un monde. Elle est créée, scénarisée et réalisée par Javier Ambrossi et Javier Calvo, alias “Los Javis”, surdoué tandem queer madrilène à qui l’on doit notamment déjà la convaincante série Veneno.
Capable d’exubérantes fulgurances visuelles, mais aussi d’une vraie rigueur de narration, La Mesías (La Messie, littéralement) évoque, oui, le cinéma de Pedro Almodóvar mais aussi celui de Gregg Araki (Mysterious Skin en tête), avec une pointe de… Sister Act ou même de La Mélodie du bonheur. Histoire d’une douloureuse quête de soi sur fond d’innocence bafouée, elle n’a pas son pareil pour réconcilier les contraires: le profane et le sacré, le kitsch et le mystique, la légèreté et l’émotion… Une petite merveille à la croisée des genres. Nicolas Clément
La Mesías ****, de Javier Ambrossi et Javier Calvo, Arte.tv
Avec Roger Casamajor, Macarena Garci, Lola Dueñas.
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