La sélection TV du 29 mars au 4 avril: Spielberg, TikTok, Kaboul et le Bugaled Breizh

A la télé cette semaine: un portrait de Steven Spielberg, les dessous de TikTok et deux séries françaises de bonne tenue.

Steven Spielberg: l’homme et l’enfant

«Enfant, j’ai été traumatisé par l’éclatement de ma famille. J’ai toujours voulu raconter l’histoire de ma mère, de mon père, de mes soeurs et de cette incroyable lutte entre l’art et la famille. Il en est question dans tous mes films.» Réalisateur de premier plan, producteur et magnat d’Hollywood et incomparable fournisseur de blockbusters, Steven Spielberg a longtemps été considéré comme un cinéaste immature et superficiel.

Ce documentaire d’une petite heure signé Michaël Prazan (Goulags, L’Armée rouge, Yakuza…) déconstruit cette idée et dépeint un cinéaste profondément engagé dont l’œuvre est, au-delà des Fabelmans, plus autobiographique qu’il y paraît. A travers de nombreuses images et interviews d’archive intelligemment choisies, il raconte un père informaticien et une mère à la fibre artistique. Leur divorce qui l’a ébranlé. Et son enfance déracinée et craintive aux quatre coins du pays. Une terreur qui ne l’a jamais quitté et représente la clé de sa filmographie.

«Vivre avec la peur fait partie de mon ADN», avoue-t-il en expliquant que l’arbre devant la fenêtre de sa chambre de gosse lui a inspiré Poltergeist. Tout en précisant que le cinéma n’a pas été un moyen d’exorciser des choses dont il voulait se débarrasser mais au contraire une manière de les garder précieusement toute sa vie.

Axé autour de trois thématiques (ses jeunes années, la Shoah et l’Amérique),  Steven Spielberg: l’homme et l’enfant brosse le portrait d’un mec qui vu son premier film à trois ans (Sous le plus grand chapiteau du monde) et ne s’en est jamais remis. Celui d’un cinéaste qui a réalisé le premier blockbuster de l’histoire (Les Dents de la mer) et a bouleversé la représentation des extra-terrestres au cinéma (Rencontre du troisième type, ET). Celui d’un démocrate convaincu, universaliste proche des Clinton sensible à la question des minorités et aux discriminations.

Il évoque la nouvelle vague américaine qu’il incarnait avec ses potes Martin Scorsese, George Lucas et Francis Ford Coppola. Explique la genèse d’Indiana Jones et Jurassic Park qui lui a fait faire un grand bond en avant dans la conception des effets spéciaux. Mais aussi son investissement et son travail dans la production (Zemeckis, Levinson, Dante, les frères Coen et même Kurosawa). Il se penche également inévitablement sur La Liste de Schindler. La pluie d’oscars, enfin dans les catégories meilleur long métrage et meilleur réalisateur. Cette reconnaissance qu’il attendait tant. Et la première fois de sa vie où il s’est senti être un artiste (il explique la petite fille en rouge dans son film en noir et blanc comme son rapport au judaïsme et l’antisémitisme dont il a fait l’objet). Riche et bien mené.

TikTok, un réseau sous influence

Application de partage de vidéos chinoise née en 2017, TikTok est rapidement devenu l’un des réseaux sociaux les plus populaires de la planète avec près d’1,7 milliard d’utilisateurs et est aujourd’hui l’appli la plus téléchargée au monde. Mais quelle peur et quels dangers suscite-t-elle? Comme s’inscrit-elle dans les relations entre la Chine et les Etats-Unis?

Alimenté par des spécialistes et chercheurs en tous genres, le documentaire en deux parties de Vincent de Cointet raconte les dessous d’une incroyable success story. Retrace l’histoire d’un mec (Zhang Yiming) marqué par A Social Network et l’histoire de Mark Zuckerberg qui a repéré que les gens lisaient de mois en moins la presse papier et a investi le marché des vidéos courtes.

Un Réseau sous influence se demande surtout comment cette machine à clics qui repose sur un algorithme de recommandation surpuissant (tout le monde essaie de profiter de sa viralité) façonne les lignes de fracture de notre modernité, structure les rapports de force contemporains et dessine un nouveau désordre mondial. Le tout à l’heure où l’objectif avoué de Pékin est de faire de la Chine la plus grand puissance économique et numérique du monde d’ici 2030. Eclairant.

37 Secondes

Déjà réunies sur la série Engrenages qui décrivait la vie du palais de justice de Paris, ses acteurs, ses rouages et ses combines, les scénaristes Anne Landois et Sophie Kovess-Brun sont des habituées de l’univers judiciaire et s’y frottent cette fois à travers une affaire bel et bien réelle. Le naufrage il y a un peu plus de 20 ans d’un chalutier du Finistère et de ses cinq marins. 37 secondes, c’est le temps qu’il a fallu au Bugaled Breizh pour mystérieusement plonger au fond de la Manche le 15 janvier 2004. Otant la vie à tout son équipage.

Un seul appel de détresse, une mer relativement calme. Les circonstances de la catastrophes sont obscures et difficiles à déterminer. Problèmes techniques? Accident de pêche? Collision? L’enquête est d’autant plus compliquée que des manœuvres militaires avaient lieu au même moment dans les parages. Sobre et profondément humaine, portée à l’écran de manière crédible (notamment par Nina Meurisse et Mathieu Demy), la série s’intéresse à la fois à ce qu’il s’est passé en mer, aux poursuites judiciaires et aux familles des victimes en phase de reconstruction. Si le combat devant les tribunaux s’inspire de ce qu’il s’est réellement passé et se fonde sur des sources d’information variées, 37 Secondes n’en mêle pas moins très librement fiction et réalité. Les personnages ayant eux été inventés.

Kaboul

Fiction au budget conséquent produite dans le cadre de l’Alliance Européenne associant France Télévisions à d’autres pays d’Europe pour développer des projets de plus grande envergure, Kaboul raconte l’Afghanistan à l’heure du départ des troupes américaines. En 2021, sous l’administration de Joe Biden, après 20 ans de présence militaire, les Etats-Unis ont pris le parti de quitter le pays et de le laisser aux mains des Talibans.

Le série créée par Olivier Demangel et Thomas Finkielkraut, scénaristes sur Baron Noir à qui l’on doit la récente plongée de Jamel Debbouze dans le milieu du foot (Mercato), retrace les quinze jours qui ont suivi la mise à exécution de cette décision à travers le destin de la famille Nazany. Faut-il partir ou rester? Le choix est compliqué même quand toutes les cases sont cochées. Chez les Nazany, la mère est procureur et a fait condamner beaucoup de Talibans. Le père est un intellectuel. Le fils est engagé dans l’armée afghane. Et la fille travaille comme chirurgienne dans un hôpital…

Série dédiée aux femmes qui y sont aujourd’hui privées de leurs droits les plus fondamentaux et même de simples loisirs (l’ONU parle d’Apartheid de genre), Kaboul multiplie les points de vue pour brosser un portrait humain, militaire et diplomatique de la situation. Un récit choral qui tient relativement en haleine. Chaotique et dispersé mais pas manichéen.