A la télé cette semaine, un portrait d’Eddy Merckx, une exceptionnelle série sur les violences conjugales, un docu au féminin pluriel sur l’immigration italienne et une féministe bretonne qui a passé 50 ans en Afghanistan.
Merckx: dans la roue d’un champion
Mercredi 11 juin à 20.20 sur La Une
Documentaire de Christophe Hermans et Boris Tilquin.
4/5
«Jamais un homme n’a dominé son sport comme vous le dominez. Vous ne craignez pas à la longue de froisser un peu les gens? Certains disent que vous en faites un peu trop.» Cette question, un jour posée par un journaliste à Eddy Merckx, tient rétrospectivement d’euphémisme à la vue de son palmarès mais aussi de sa relation avec le grand public. On ne l’appelait pas le Cannibale pour rien. Merckx roulait pour gagner quelle que soit la course à laquelle il participait et n’a longtemps laissé à ses adversaires que des miettes.
Il a remporté 525 victoires dans toute sa carrière et reste à ce jour le coureur le plus titré de l’histoire du cyclisme. Son plus grand champion aussi. Mais il a également fait face à l’hostilité, essuyé les pires insultes et même reçu un coup dans le foie adressé par un spectateur au Tour de France pendant son ascension du Puy de Dôme. «Il n’avait qu’un seul défaut. C’est qu’il était belge et pas français. C’est ce qui lui a valu toutes ces critiques.» S’appuyant sur de spectaculaires et savoureuses images d’archives, Christophe Hermans et Boris Tilquin brossent le portrait d’un mythe. Celui d’un sportif qui a marché sur la concurrence. Remporté cinq Grandes Boucles. Transcendé les problèmes communautaires de son pays. Et failli mourir dans une course sur piste (c’était à Blois et elle a été fatale à Fernand Wambst).
Le documentaire raconte le gamin qui a touché à tous les sports avec brio avant de se focaliser à l’adolescence sur le vélo. Ses troubles de l’attention et les nombreuses fessées dont il a fait l’objet. Sa sœur Micheline se souvient de l’esprit de compétition qui l’habitait dès son plus jeune âge. Mais les interviews récentes (son soigneur, certains de ses adversaires, Rodrigo Beenkens, Lucien Van Impe…) ne participent que par le son. Dans la roue d’un champion repose exclusivement sur des images d’archives. La majeur partie en noir et blanc. Certaines sont tout bonnement surréalistes. Il faut voir son père montrer les pigeons d’Eddy à une équipe télé avant de lui expliquer que le coureur les mange… D’autres semblent carrément impensables dans le sport moderne. A commencer par cette scène de lui, prostré, en pleurs, qui répond aux questions après son exclusion suspecte du Giro pour dopage en 1969. Coup monté? Echantillon trafiqué? Sa suspension sera réduite pour lui permettre de participer au Tour de France où, touché dans son honneur, il écrasera la concurrence… Un docu aux allures d’hommage alors qu’Eddy Merckx fête en ce 17 juin ses 80 printemps.
Addio Addio Amore
Dimanche 8 juin à 22.55 sur La Trois
Documentaire de Jean-Michel Dehon
3,5/5
«Des hommes vendus contre des sacs de charbon.» L’expression est malheureusement passée à la postérité. Tandis que la Seconde Guerre mondiale venait de mettre l’Italie à genoux, la Belgique était en pleine reconstruction. Pour se redresser, le gouvernement comptait sur la production charbonnière. Mais la main d’œuvre belge refusant de descendre dans les mines, l’Italie s’engageait en 1946 à envoyer sur le plat pays 50.000 travailleurs en échange de millions de tonnes de roche combustible. Addio Addio Amore raconte cette vague d’immigration sans précédent mais avec une intéressante particularité: à travers sa dimension féminine.
Tout au long du documentaire et d’images d’archives assez folles, des femmes racontent. Elles racontent leur vie en Italie. Les raisons de leur départ. La découverte de la Belgique. Ces hommes, leurs pères, leurs frères, venus creuser la terre à 1.000 mètres de fond dans un pays inconnu. Touchantes, parfois bouleversantes, elles commentent des photos. Se souviennent des conditions de vie qui n’étaient pas celles promises (faute de logements suffisants, certains ont été casés dans les baraquements de fortune qu’occupaient les prisonniers allemands jusqu’en 1948) et de la solidarité entre les familles d’ouvriers. Un documentaire à l’accent chantant qui questionne aussi la difficile intégration et les regards parfois tout sauf bienveillants… La catastrophe du bois du Cazier. 262 morts dont 136 Italiens. La fermeture des charbonnages et ses conséquences.
Une Française à Kaboul, l’aventure d’une vie
Samedi 7 juin à 20.30 sur La Trois
Documentaire de Charlotte Erlih et Marie-Pierre Camus.
3,5/5
C’est l’histoire de deux univers qui se rencontrent par hasard en 1926 dans une pharmacie de Saint-Malo. Tout le monde lui a dit qu’elle ne trouverait que le malheur avec un Afghan mais elle était amoureuse et en a quand même épousé un. Elisabeth Bellay était issue de la petite bourgeoisie bretonne et Naïm Ziai était le cousin du roi d’Afghanistan. Ce roi progressiste qui voulait ouvrir son pays au monde et a d’ailleurs envoyé Naïm étudier à l’étranger.
Devenue princesse, Elisabeth a passé 50 ans à Kaboul. Cinquante années qu’elle a consignées dans des textes où l’intime côtoie le politique. Engagée, la Française fut à la fois une actrice de l’émancipation féminine et un témoin privilégié de l’évolution du pays. Si les avancées féministes auxquelles elle a contribué ont été annihilées (les fondamentalistes ont écarté les modernisateurs et repris le pouvoir), ce documentaire de Charlotte Erlih et Marie-Pierre Camus offre à voir un parcours atypique et un personnage fascinant.
Querer
Jeudi 12 juin à 20.55 sur Arte
Avec Nagore Aranburu, Pedro Casablanc, Miguel Bernardeau. 4 épisodes de 50 minutes.
4,5/5
En espagnol, «querer» signifie aussi bien «aimer» que «vouloir», «apprécier» ou «désirer»… Après 30 ans de mariage, Miren, incarnée par l’exceptionnelle et bouleversante Nagore Aranburu, d’une justesse rare en femme blessée mais déterminée, décide de quitter son mari et de porter plainte pour violences sexuelles conjugales. Partie dans l’urgence, Miren est prête à se libérer du joug de son époux mais elle confronte aussi ses fils de 31 et 24 ans à un choix cornélien. Doivent-ils soutenir leur mère ou croire leur père qui clame son innocence?
Avec force et sobriété, une incroyable finesse et une volonté de ne pas imposer sa vérité, Alauda Ruiz de Azúa (Lullaby) pose la question de la domination et du consentement dans le couple. Elle interroge la place qu’y occupe la femme, la pression sociale et la difficulté d’accepter la culpabilité d’un proche. Une série intense d’utilité publique.