House of the Dragon (saison 2): l’intrigue politique s’amplifie et les dragons rongent leur frein
Titre - House of the Dragon (saison 2)
Genre - Série
Réalisateur-trice - Ryan Condal et Georges R.R. Martin
Quand et où - Dès ce lundi 17 juin à 20 h 30 sur Be 1
Casting - Avec Olivia Cooke, Emma D’Arcy, Matt Smith.
House of the Dragon reste fidèle, dans sa deuxième saison, à l’exigence de sa construction première: un édifice qui décrit avec maestria les manigances politiques d’un patriarcat destructeur.
En fin de première saison, le roi Viserys a, depuis son lit de mort, trollé la succession du Trône de fer. La guerre semble déclarée entre les « Verts » et les « Noirs », projetant la reine Alicent et son fils aîné Aegon, précipitamment couronné, face à l’héritière désignée Rhaenyra Targaryen, son époux/tonton Daemon et ses alliés Velaryon qui règnent sur les océans. Mais pour tout le sensationnalisme qui se pointe à l’horizon, alors que chacune des familles a de plus en plus de mal à retenir ses dragons, cette nouvelle saison de House of the Dragon, visible dès ce soir sur Be 1, garde un pied fermement ancré sur ses fondamentaux narratifs rigoristes (lire la critique ci-dessous). Showrunner de la série avec George R.R. Martin, le producteur Ryan Condal nous en décrit les enjeux.
La première saison décrivait les manigances ourdies dans les couloirs du pouvoir royal jusqu’à la claustrophobie de l’entre-soi. Ici, vous sortez davantage du vase clos et quelques figures de plus basse extraction font leur apparition. Peut-on s’attendre, comme dans Game of Thrones à des arches ambitieuses pour ces personnages?
Ryan Condal: C’est vrai que la première saison avait quelque chose de claustrophobe. Je me souviens avoir utilisé le terme « insulaire » pour la décrire. Tout tournait autour de la famille de Viserys et de son entourage. Il fallait établir les intrigues de palais avant que chacune et chacun puisse vaquer dans son propre monde. Cette saison, les protagonistes issus du « petit peuple » auront leur part importante dans l’histoire. Avec d’autres, ils vont offrir de multiples points de vue sur ce qui se trame.
Dans une interview donnée il y a deux ans, vous avez rapproché l’ambiance politique de House of the Dragon de l’époque de la guerre froide. Pourquoi?
Ryan Condal: Comme toute guerre, celle qui nous occupe n’éclate pas du jour au lendemain. Grâce aux manœuvres de son grand-père Otto, la Main du roi, et de sa mère la reine, Aegon a accédé au trône. Rhaenyra est rejetée dans la position de la prétendante et se proclame reine à son tour. Mais ces deux factions ne disposent pas d’armée en ordre de marche. Les alliances, du côté des « Verts » comme des « Noirs », doivent encore se constituer et les distances sont importantes. Il faut prendre la route de King’s Landing pour prêter allégeance au trône ou tenter d’en renverser l’occupant. Chacun dépose encore patiemment ses pions et, comme aux échecs, la précipitation peut être fatale. En attaquant trop frontalement le roi, on peut perdre sa reine. Et puis surtout, il y a les dragons. C’est précisément la raison pour laquelle j’emploie la métaphore de la guerre froide, même si elle est complètement anachronique: les dragons représentent une menace de dimension nucléaire. Ils sont le facteur d’une destruction mutuelle certaine. Si une famille envoie un de ses dragons détruire une cité ou un château, instantanément sa rivale fera de même. Et à quoi bon risquer de détruire King’s Landing dans la bagarre? On veut bien gagner, mais pas régner sur une terre brûlée.
Ne craigniez-vous pas que la nécessité de l’action spectaculaire prenne le pas sur ce plan patiemment mis en œuvre?
Ryan Condal: Je pense que ce monde se décrit de la meilleure des manières quand il réalise l’équilibre entre ces deux forces. La fantasy, le surnaturel me fascinent depuis l’enfance. Mais je pense que le public reste fidèle à cette série en raison de ses intrigues et du travail en profondeur qui est réalisé sur les personnages. Ces scènes qui se passent dans les couloirs discrets ou les salles de conseil des palais sont très excitantes et amusantes à écrire puis à mettre en scène. Il faut du grand spectacle bien sûr, mais si on veut que celui-ci ait tout l’impact nécessaire, il faut travailler en amont les situations, les enjeux et ce que les protagonistes ont à y gagner ou à y perdre. C’est toute l’astuce: travailler les éléments qui vont faire monter le suspense jusqu’à la délivrance, le pay off, la récompense: ce grand spectacle cathartique que le public de Game of Thrones s’attend immanquablement à voir.
Après cette première saison très dense de House of the Dragon, vous avez fait le point avec George R.R. Martin sur ce qui avait marché ou pas, sur ce qui pouvait éventuellement être amélioré dans la deuxième?
Ryan Condal: Je ne peux pas partager tous les détails de ce qui se passe en coulisse, mais on discute beaucoup à mesure que les épisodes sont diffusés. La structure narrative de la première saison m’a rendu particulièrement fier. C’était une construction très risquée, sans compter tout ce qu’il a fallu pour la maintenir en place sur dix épisodes. Récit, production et casting se sont admirablement alignés. Et le choix du saut dans le temps en cours de saison, avec des personnages incarnés plusieurs années plus tard par d’autres acteurs et actrices, a été bien reçu par le public. Il fallait cette sorte de reset pour relancer l’attention et faire de cette série bien plus qu’un avatar de Game of Thrones. Cette première saison a présenté des challenges logistiques et intellectuels, mais on peut se permettre d’ouvrir un peu les vannes dans cette saison-ci: prendre plus de liberté, et aussi du plaisir à voir les événements faire boule de neige jusqu’aux confrontations tant attendues.
À quel point la présence d’Alan Taylor, réalisateur historique de HBO qui a beaucoup travaillé sur Game of Thrones, a été importante sur cette saison?
Ryan Condal: J’étais hyper excité de travailler avec lui. Je suis très admiratif de ce qu’il a fait sur Six Feet Under et surtout Les Soprano -j’ai grandi dans le New Jersey. Je considère son pilote de Mad Men, Smoke Gets in Your Eyes, comme un modèle du genre, le meilleur premier épisode jamais écrit et réalisé. Nous avons bénéficié de sa connaissance quasi institutionnelle de techniques de tournage issues de Game of Thrones. En plus du premier, il a tourné le quatrième épisode de la saison. C’est celui qui fera le plus parler de lui.
Notre critique de House of the Dragon (saison 2)
© HBO/Warner
La première saison de la saga des Targaryen, tirée de l’ensemble romanesque de George R.R. Martin A Song of Ice and Fire, avait construit lentement mais sûrement le chemin de son apothéose. Des personnages bien campés dans leurs coups à trois bandes, une ferme intention de tenir l’héritage de Game of Thrones en respect, une réalisation somptueuse et une tension dramatique habilement entretenue. Cette nouvelle saison tient les mêmes promesses. En outre, elle quitte l’atmosphère un peu soapy des intrigues de couloirs pour s’aventurer qui au pied du Mur, qui dans les ruelles du petits peuples, inaugurant de nouveaux personnages et ouvrant la possibilité d’arches narratives autres que celles de ces familles royales décidément monomaniaque de l’héritage. Après deux épisodes où les camps de la reine Alicent et de sa rivale Rhaenyra Targaryen se renvoient coups pour coups, pas toujours à l’instigation de celles-ci, dans une escalade de violence aussi puérile que furieuse, notamment une scène pivot particulièrement éprouvante (ADN de la franchise oblige), le scénario libère ensuite les forces de l’enfer et lâche la bride aux dragons. Entre jeux de l’oie, de dupes ou d’échec, ce nouveau chapitre se distingue par des personnages décidément bien taillés, imprévisibles, des intrigues à l’ambiguïté morale particulièrement infectieuses, sondées lors d’un nouveau générique de début absolument somptueux et qui fera date à n’en pas douter. ● N.B.
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