« Wenders/Berlin »: un fiction sur les traces du réalisateur des « Ailes du désir »
Thierry Roche et Guy Jungblut, éditions Yellow Now
Wenders/Berlin: une fiction
328 pages
Thierry Roche et Guy Jungblut arpentent Berlin sur les traces de Wim Wenders, fil rouge d’une stimulante fiction méditative.
Wim Wenders est partout cet automne: au cinéma où Anselm, le documentaire qu’il consacre à Anselm Kiefer précède de quelques semaines Perfect Days, manifeste zen s’apprêtant à débarquer sur nos écrans après avoir enchanté la Croisette en mai dernier. Sur supports vidéo, avec les sorties en Blu-ray et DVD de plusieurs de ses classiques restaurés pour l’occasion, d’Alice dans les villes aux Ailes du désir en passant par L’Ami américain. En librairie enfin, avec la parution de Wenders/Berlin: une fiction, essai que cosignent Thierry Roche (pour le texte) et Guy Jungblut (pour les photos), le troisième volet d’une trilogie des villes et des lieux, après les titres consacrés par le duo à Antonioni et Ferrare, et à Luc et Jean-Pierre Dardenne et Seraing.
Portrait subjectif
Fiction documentée, l’ouvrage adopte la forme d’une double déambulation berlinoise, l’une estivale, l’autre automnale, sur les pas de Bernart, un professeur des collèges fraîchement retraité, parti à la recherche de ses souvenirs d’un lointain séjour en RDA. À quoi viennent bientôt se surimprimer les traces des films qu’y a tournés Wim Wenders, Les Ailes du désir et Si loin, si proche! en particulier, qui accaparent toujours plus l’attention et les réflexions du flâneur. La démarche est originale, elle est aussi féconde, du dialogue entre textes et photos jaillissant une méditation où le portrait subjectif de la ville se nourrit des réminiscences de cinéma, tandis que l’Histoire et la mémoire intime n’en finissent plus de converger. Lancé dans un Berlin qu’il n’a pas connu, passant d’Alexanderplatz -“Place de tous les rêves de la jeunesse socialiste, il n’en reste que les traces d’une bourrasque venue de l’Ouest et qui aura balayé les espoirs d’un monde différent. Un vent blafard et normatif”- à la Staatsbibliothek, point de ralliement des anges dans Les Ailes du désir, Bernart semble glisser au fil du temps, vie et cinéma toujours plus étroitement intriqués, jusqu’à se confondre.
En découle une proposition littéraire séduisante où, à la réflexion sur la ville et la marque qu’y a imprimée l’Histoire, s’ajoute un regard pénétrant sur le cinéma du réalisateur de Paris, Texas dont l’auteur, ou plutôt son personnage de fiction, observe notamment, laissant ses pensées s’éparpiller: “Wenders est à la lisière… Ses films jouent sur la lisière entre la fiction et quelque chose d’autre qui en serait l’attente, oui, c’est ça, l’attente de la fiction, juste avant qu’elle ne démarre. Ses personnages se contentent d’exister au présent, se laissent porter par quelque chose de supérieur qui s’appelle l’ennui, ou le désintérêt, un vague à l’âme un peu dandy qui les rend étrangers au monde.” Prêts pour un vagabondage existentiel, en compagnie des anges…
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