Titre - Hatching
Réalisateur-trice - Avec Siiri Solalinna, Jani Volanen, Reino Nordin. 1h26.
Quand et où - Disponible en VOD sur Proximus et Telenet.
La Finlandaise Hanna Bergholm prend plaisir à fissurer le bonheur normatif d’une famille parfaite dans une curiosité horrifique à l’humour grinçant et à l’esthétique clinique.
Remarqué en début d’année à Sundance puis à Gérardmer, d’où il est d’ailleurs reparti auréolé du très convoité Grand Prix, Hatching débarque chez nous directement en VOD sans passer par la case ciné. Situant son action dans une banlieue pavillonnaire cossue voisine d’une véritable forêt de conte de fées, le premier long métrage de la réalisatrice finlandaise Hanna Bergholm s’intéresse au quotidien d’une jeune adolescente de 12 ans, Tinja, aînée d’une famille modèle qui transpire la réussite et le bonheur bourgeois. Pratiquant la gymnastique, celle-ci subit en permanence la pression maladive de sa mère, influenceuse lifestyle en quête obsessionnelle de perfection. Une nuit, Tinja tue un oiseau blessé avec une pierre et recueille dans la foulée un œuf qui grossit à vue d’œil. Jusqu’à l’éclosion d’une étrange créature mutante annonciatrice des pires dérèglements domestiques…
“Je veux être cinéaste depuis l’enfance, nous raconte Hanna Bergholm lors d’un tête-à-tête virtuel organisé en janvier dernier en plein festival de Sundance. Mes parents étaient réalisateurs pour la télévision finlandaise, et j’ai littéralement été bercée par les grands classiques du cinéma à la maison. J’adorais les films d’Akira Kurosawa et ceux de Luchino Visconti, par exemple. Par contre, les productions horrifiques m’effrayaient beaucoup, donc je ne peux pas dire que j’ai vraiment cette culture-là à la base. Quand j’ai commencé à créer moi-même des choses, je me suis néanmoins rendu compte que le concept de peur m’intéressait beaucoup. Je me suis donc forcée à regarder des films d’horreur, et le genre m’a vraiment fascinée. J’adore l’idée d’exacerber les émotions des personnages et de les transformer en motifs visuels.”
Peur de grandir, peur de ne pas réussir, peur du regard des autres et du côté obscur qui nous habite… Hatching se nourrit en effet d’un chapelet universel d’angoisses existentielles pour immerger le spectateur au cœur d’une expérience très formaliste de body horror (sous-genre horrifique où le corps, mutilé, déformé ou transformé, est le lieu de tous les excès). “ Tout le concept du film découle d’une idée du scénariste Ilja Rautsi: confronter un jeune garçon à son double maléfique, son doppelgänger, sorti d’un œuf géant. Très vite, ceci dit, nous avons décidé de raconter plutôt cette histoire à travers le point de vue d’une jeune fille qui dissimule ses côtés sombres sous des dehors lisses et immaculés. L’exploration d’une relation mère-fille assez malsaine autorise assez naturellement l’approfondissement de ce thème. Je trouvais par ailleurs très intéressant que l’héroïne du film ait 12 ans, soit l’âge de tous les changements. En un sens, la créature symbolise aussi cet état de transition, physique et intérieur, propre à l’adolescence, où se mélangent le besoin quasiment viscéral d’être aimé et le désir parfois brutal de s’opposer à ses parents…”
Doubles jeux
Contrairement à la plupart des films d’horreur, Hatching travaille ses thèmes et obsessions le plus souvent en pleine lumière, dans un cadre idyllique aux accents cliniques dominé par les couleurs pastel. “ C’était très important pour moi que l’horreur survienne précisément dans cette atmosphère de bonbonnière, débordant de fleurs roses et de lumière presque aveuglante, opine Hanna Bergholm. C’est vraiment l’idée d’observer le vernis du bonheur idéalisé se lézarder qui guide ce projet. Il s’agissait donc d’abord de créer un écrin presque trop parfait, pour mieux le souiller de l’intérieur par la suite.”
Entre lumière et ombre, pureté et monstruosité, le film multiplie les jeux de miroir à l’humour grinçant et les figures de doubles jusqu’à l’absurde (le fils de la famille est une exacte réplique miniature du père, par exemple) pour mieux ringardiser l’idée même d’harmonie familiale… “ Le double maléfique de Tinja lui permet, par procuration, d’exprimer des émotions fortes qu’elle est sinon contrainte de réprimer au quotidien. Comme la tristesse ou la colère, par exemple. Une certaine violence également. Cette créature fonctionne très fort de manière symbolique. D’une certaine façon, elle est le reflet inversé, corrompu, de son âme pure. Il semblait donc légitime de travailler au maximum le motif du miroir et du dédoublement, visuellement parlant. La multiplication des similarités entre parents et enfants permet aussi de mieux creuser l’idée selon laquelle les premiers ont bien souvent tendance à vampiriser les seconds avec leurs propres aspirations. Certains parents, en effet, ont tendance à considérer que leurs enfants leur appartiennent, et ils les utilisent trop souvent afin de satisfaire leurs propres désirs contrariés.”
Conçu à la manière d’une fable moderne bizarre et kitsch à la fois, d’une satire sociale aussi crade que joyeusement décomplexée, Hatching marque les débuts prometteurs d’une réalisatrice de genre avec laquelle il va désormais falloir compter. Son prochain film? L’histoire d’un jeune couple qui, à l’arrivée de son premier enfant, se trouve en proie à tous les dysfonctionnements… “Le film parle de la difficulté à être parent et du côté obscur de l’amour maternel. Il s’agit donc de thématiques assez proches de celles développées dans Hatching , mais envisagées cette fois du point de vue de la mère.”
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